Grands Colloques - La crise des institutions - 32

LA CRISE DE LA FAMILLE, UNE CRISE D'AUTORITÉ ?

ou non11 (mariage sine manu ; pays de droit écrit) été soumise à l'autorité de
son mari. Les rédacteurs du Code civil ont consacré le principe de l'autorité
maritale dans une société familiale hiérarchisée. Le mari auquel, de façon
générale, sa femme devait obéissance en vertu de l'article 213 du Code
civil, est longtemps apparu dans les régimes matrimoniaux de communauté
comme le « seigneur et maître de la communauté » conjugale qui avait tout
pouvoir sur les biens de sa femme, tandis que celle-ci était frappée d'une
incapacité d'exercice. L'évolution des mœurs et des conditions de vie en
France ont conduit le législateur du XXe siècle à faire évoluer la condition
de la femme mariée en plusieurs étapes : suppression de son incapacité par
la loi du 18 janvier 1938, du devoir d'obéissance à son mari par la loi du
4 juin 1970, de l'hégémonie maritale dans les pouvoirs et la gestion des
biens du couple quel que soit leur régime matrimonial aux termes des lois
du 13 juillet 1965 puis du 23 décembre 1985. À la protection de la femme
par son mari a fait place la réciprocité des droits et des devoirs des deux
époux ainsi que leur solidarité face à leurs créanciers. Le principe d'autorité
y est étranger, ce qui devrait favoriser l'harmonie. La loi qui a créé le pacte
civil de solidarité et reconnu le concubinage n'a prévu de son côté aucune
règle d'autorité au sein de ces couples.
2. Dès lors, dans le couple uni par le mariage et a fortiori dans les
autres couples - pacte civil de solidarité ou concubinage -, aucun rapport
d'autorité ne devrait jouer. Si cela est tout à fait exact en droit, il arrive,
en fait, que l'autorité réapparaisse de mauvaise manière sous forme d'abus
d'autorité conduisant à une crise dans la famille.
Le juge sera alors invité par l'un des époux à s'immiscer dans les décisions
conjugales afin de lever le blocage en autorisant un acte précis ou en prenant
toute mesure urgente que requiert l'intérêt de la famille12.
La crise gagne en intensité en cas de violences au sein du couple. Celles-ci
ont toujours existé et malheureusement pas disparu. En amont des mesures
pénales13, le législateur civil14 tente de réduire l'impact de ces violences en
11. V. le mariage sine manu du droit romain : v. J.-Ph. Lévy et J. Castaldo, Histoire du
droit civil, préc., n° 106 ; v. le statut de la femme dans les pays de droit écrit dans l'Ancien
droit : ibid, n° 109.
12. Pour les époux : C. civ., art. 217 et surtout 220-1 ; pour les pacsés en indivision : C. civ.,
art. 815-6 ; aucun texte pour les autres pacsés ni pour les concubins.
13. Le mariage, le pacte civil de solidarité ou le concubinage constitue une circonstance
aggravante des infractions de violence : v. C. pén., art. 222-8, 6°, 222-10, 6°, 222-12, 222-13.
14. Loi du 9 juill. 2010 : C. civ., art. 515-9 et s.

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