Grands Colloques - La crise des institutions - 45

FRANÇOIS CHÉNEDÉ

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se réjouissent de son « essor » ; tandis que les uns décèlent une « crise de
vieillesse », les autres décryptent une « crise de croissance »9.
3. Il existe une autre voie, à nos yeux plus féconde, pour étudier le
phénomène de la « crise du contrat ». Elle consiste à décrire et expliquer,
non pas la contrariété de règles nouvelles à une certaine idée du contrat, mais
l'inadaptation des règles anciennes aux réalités contractuelles nouvelles.
Sous cet angle, la « crise du contrat » ne désigne plus la crise de la philosophie du droit des contrats, mais la crise du droit des contrats lui-même,
et plus exactement du droit commun des contrats, c'est-à-dire, pour les
civilistes, du Titre III du Livre III du Code civil. Tel est le phénomène qui
doit retenir l'attention prioritaire de la doctrine, car c'est ici qu'elle peut
faire œuvre utile en participant, c'est l'une de ses missions, à l'adaptation du
droit. À l'heure de la réforme annoncée du droit privé des contrats, l'utilité
d'une telle entreprise apparaît encore plus criante. Mais avant même de
pouvoir songer à proposer des solutions au législateur, il convient d'identifier, il est vrai, les causes de cette crise. Distinguer les sources. Décider
des remèdes. Tel est le programme de cette journée d'étude. Il est d'ailleurs plaisant d'observer que, ce faisant, on rejoint le sens étymologique
du mot « crise », qui nous vient du grec « krisis », qui signifie « séparer »,
« distinguer », « passer au crible ou au tamis », mais également in fine « faire
un choix », « décider ». Par chance, seule la première tâche m'a été confiée.
Toutefois, si l'identification des causes demande moins d'imagination et de
génie que l'édification des solutions, l'entreprise n'est pas sans embûche,
ni sans risque. Les causes de la crise du droit des contrats sont multiples. Il
convient par conséquent de les passer au tamis, de faire le tri, de distinguer
le principal de l'accessoire. Or, un tel travail de sélection est nécessairement empreint, non pas d'arbitraire, mais de subjectivité. L'abandon de
l'approche idéaliste nous mettra néanmoins à l'abri du principal écueil. Il ne
s'agira pas d'établir les causes de la crise du contrat à partir d'une certaine
idée préconçue de ce qu'il doit être, mais d'identifier les réalités nouvelles
face auxquelles le droit commun des contrats, le Titre III du Livre III du
Code civil, s'est révélé ou pourrait se révéler, si ce n'est impuissant, du
moins inadapté.
4. La source principale de la « crise », évidente, mais qu'il ne faut pas se
lasser de rappeler tant elle est la clef de compréhension du phénomène, est
l'apparition de nouveaux types contractuels dont la structure s'éloignait,
9. Sur ce point, v. F. Terré, « Sur la sociologie juridique du contrat », APD 1968, p. 71 et
s., spéc. p. 71-72. ; L. Cadiet, « Interrogations sur le droit contemporain des contrats », in
Le droit contemporain des contrats, Economica, 1987, p. 9 et s., spéc. p. 10.
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