Grands Colloques - La crise des institutions - 48

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LA « CRISE DU CONTRAT »

mais d'assurer la protection du contractant faible. On aura sans doute
reconnu la thèse à laquelle est souvent réduite, de façon fort approximative,
la doctrine solidariste18.
Sur la foi de telles déclarations, les non spécialistes du droit des contrats
et les lecteurs non assidus de l'HUDOC pourraient être tentés de croire
à cette « révolution contractuelle » venue de Strasbourg. Ces proclamations doctrinales ne correspondent pourtant nullement à la réalité légale
et prétorienne du droit des contrats. D'abord, parce que le droit français
n'a pas attendu la Conv. EDH pour contrôler la conformité du contrat
et de ses clauses aux droits et libertés individuels. Ensuite, et surtout,
parce que la maigre jurisprudence européenne, montée en épingle par une
partie de la doctrine fondamentaliste, est loin d'annoncer un quelconque
« dynamitage » du droit commun des contrats.
8. Certes, à partir du milieu des années 1990, quelques décisions remarquées de la Cour de cassation ont pris appui sur la Conv. EDH pour
écarter différentes clauses jugées liberticides. Après la clause d'habitation
personnelle, dans le fameux et inaugural arrêt Mel Yedei19, c'est la clause de
mobilité, de résidence ou encore de mobilité-résidence, qui a été soumise à
l'épreuve de l'article 8 de la Conv. EDH (vie privée et familiale), la chambre
sociale demandant aux juges du fond de vérifier, d'une part, son caractère
indispensable pour l'entreprise et, d'autre part, son caractère proportionné
au but recherché20. C'est enfin au visa de l'article 11 de la Conv. EDH
(liberté d'association) que la troisième chambre civile a jugé que la clause
d'un bail commercial, qui imposait au preneur d'adhérer à une association
de commerçants pendant la durée du contrat, était entachée d'une nullité

18. Pour ce rapprochement des conceptions fondamentaliste et solidariste, v., par ex., F.
Marchadier, « Le droit commun du point de vue du droit européen des droits de l'homme »,
RDC 2014, p. 553 et s., spéc. p. 558 ; J.-P. Marguénaud, « Le solidarisme contractuel aux
portes du Palais des droits de l'homme », RTD civ. 2013, p. 336 et s. En sens contraire, v.
Ch. Jamin, « Le droit des contrats saisi par les droits fondamentaux », in Repenser le contrat,
dir. G. Lewkowicz et M. Xifaras, Dalloz, coll. Méthodes du droit, 2009, p. 175 et s., spéc.
p. 187-208, selon lequel la logique libérale sous-jacente à la jurisprudence de la Cour EDH
pourrait aller à l'encontre de la conception sociale du contrat.
19. Cass. civ. 3e, 6 mars 1996, Mel Yedei, pourvoi n° 93-11113, GAJC, T. II, Dalloz, 13e
éd., 2015, n° 273 ; D. 1997. 167, note B. de Lamy ; JCP 1996. I. 3958, n° 1, obs. Ch. Jamin,
ibid. 1997. II. 22764, note N. Van Tuong ; RDI 1996. 620, obs. F. Collart-Dutilleul ; RTD
civ. 1996. 580, obs. J. Hauser ; ibid. 897, obs. J. Mestre ; ibid. 1024, obs. J.-P. Marguénaud.
20. Cass. soc., 12 janvier 1999, Spileers, pourvois n° 96-40755, D. 1999. 649, note J.-P.
Marguénaud et J. Mouly ; Cass. soc., 28 février 2012, pourvoi n° 10-18308.
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