Grands Colloques - La crise des institutions - 51

FRANÇOIS CHÉNEDÉ

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atteinte à la liberté matrimoniale est admise lorsque « les nécessités des
fonctions l'exigent impérieusement »31.
Loin d'avoir été initié ou développé par la Convention et la Cour
EDH, le contrôle de la conformité du contrat aux droits et libertés fondamentaux est un instrument classique de la police contractuelle française32.
Actuellement subsumé sous le contrôle de conformité à l'ordre public, il
pourrait conquérir son indépendance à l'occasion de la réforme à venir,
puisque le projet de la Chancellerie propose, suivant les recommandations
de l'avant-projet Terré, de le consacrer comme un instrument autonome,
désormais détaché du contrôle exercé au nom de l'ordre public (art. 2,
al. 2). Cette émancipation légale entraînera-t-elle une «fondamentalisation»
croissante du contrat ? Il est difficile de le prévoir. L'analyse de la jurisprudence de la Cour de cassation33 laisse toutefois imaginer que les juges
sauront faire preuve de prudence dans la mise en œuvre d'un contrôle qui
n'a vocation à bouleverser, ni le contrat, ni son droit34.
9. Mais le danger ou le salut - c'est selon - ne pourrait-il pas venir de la
jurisprudence de la Cour EDH ? Telle est l'idée défendue par une partie
de la doctrine fondamentaliste selon laquelle le droit européen des droits
de l'homme serait porteur d'un « autre droit des contrats » susceptible de
remettre en cause les règles les plus classiques du droit français des contrats.
Plus prophétique que descriptive, cette lecture doctrinale ne résiste pas à
l'examen de la jurisprudence de la Cour EDH. Pour s'en convaincre, il
suffit d'évoquer les décisions présentées comme les plus emblématiques
de ce mouvement et les implications que leurs interprètes croient pouvoir
déduire de celles-ci sur le terrain du Titre III du Livre III du Code civil.
Florilège... ou pot-pourri. D'un arrêt condamnant l'interprétation
d'une clause testamentaire comme contraire, non seulement au principe de
non-discrimination, mais également à la volonté exprimée par la défunte, en
31. Cass. ass. plén., 19 mai 1978, GAJC, T. I, 13e éd., 2015, n° 31, et les réf. citées.
32. Pour le même constat en droit allemand : G. Lardeux, « L'influence des droits fondamentaux sur le droit allemand des contrats », in Contrats et droits fondamentaux, dir.
D. Costa et A. Pélissier, PUAM, 2011, p. 61.
33. V., par ex., Cass. civ. 3e, 18 déc., 2002, Amar, Bull. civ. III, n° 262, GAJC, T. II, préc.,
n° 274, et les réf. citées : Cass. civ. 3e, 8 juin 2006, Amsellem, Bull. civ. III, n° 140 ; D. 2006.
2887, note Ch. Atias ; LPA 2006, n° 133, p. 9, note D. Fenouillet ; RTD civ. 2006. 722, obs.
J.-P. Marguénaud.
34. Pour la détermination des contours de ce contrôle, v. les très riches thèses d'A.-A. Hyde,
Les atteintes aux libertés individuelles par contrat, Paris I, 2012, et de L. Maurin, Contrat
et droits fondamentaux, avant-propos R. Cabrillac, préf. E. Putman, LGDJ, 2013.
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