Grands Colloques - La crise des institutions - 61

FRANÇOIS CHÉNEDÉ

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contractant à l'égard de l'autre ou, plus précisément, sa dépendance à la
relation contractuelle nouée avec celui-ci. Ainsi définie, la catégorie peut
apparaître exagérément large. Elle semble ainsi recouvrir, au premier chef,
les conventions assurant les besoins essentiels de l'individu, le clos et le
couvert, le contrat de bail et le contrat de travail qui permet de payer son
loyer à la fin du mois. Voilà des contrats dont on est assurément dépendant.
Ils font d'ailleurs l'objet, pour cette raison, d'une réglementation protectrice
du salarié et du locataire dérogatoire au droit commun des contrats : salaires
minimums, loyer modéré, résiliation encadrée, renouvellement facilité, etc.
Mais ce ne sont pas ces conventions, classiques, qu'il faut avoir à l'esprit
lorsque l'on évoque la catégorie, moderne, des contrats de dépendance.
Cette catégorie recoupe en réalité, pour l'essentiel, les contrats, non plus
de consommation (domaine du contrat d'adhésion), mais de production
(ex. : contrat d'intégration agricole) et surtout de distribution qui se sont
développés à partir des années 1960-1970 : contrat d'approvisionnement
exclusif, contrat de concession, contrat de franchise, mais également différents contrats d'intermédiation, comme le contrat d'agence commerciale.
Dans ces contrats, point de subordination juridique comparable à celle
du contrat de travail, mais une subordination économique qui place le
fournisseur ou le distributeur, selon les hypothèses, dans la dépendance
de son cocontractant.
Là encore, la doctrine a fait son œuvre. Bien avant que certains, toujours
prompts à s'émerveiller de ce qui vient de loin, et notamment d'outre-Atlantique, ne découvrent le « contrat relationnel » et l'« analyse économique du
droit », Michel Cabrillac avait mis en avant, dès 1978, la spécificité de ces
conventions qu'il qualifia de « contrat de situation [...] déterminant pour la
vie d'une entreprise ou son niveau d'activité »58. Quelques années plus tard,
Georges Virassamy réalisa la première étude d'ensemble de ces contrats
qu'il qualifia, quant à lui, de contrats de dépendance59. C'est également en
contemplation de ce type de convention qu'une doctrine solidariste s'est
reconstituée à la fin des années 1990, oubliant toutefois progressivement
l'origine de son combat pour l'étendre à tous les contrats60.

58. M. Cabrillac, « Remarques sur la théorie générale du contrat et les créations récentes
de la pratique commerciale », in Mélanges dédiés à Gabriel Marty, Université des sciences
sociales de Toulouse, 1978, p. 235 et s.
59. G. Virassamy, Les contrats de dépendance : essai sur les activités exercées dans une
dépendance économique, préf. J. Ghestin, LGDJ, 1986.
60. Sur ce point, v. Y. Lequette, « Retour sur le solidarisme : le rendez-vous manqué des
solidaristes avec la dogmatique juridique », in Mélanges en l'honneur du Professeur Jean
Hauser, LexisNexis, Dalloz, 2012, p. 879 et s.
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