Grands Colloques - La crise des institutions - 62

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LA « CRISE DU CONTRAT »

20. Comme le contrat d'adhésion (de consommation), le contrat de
dépendance (de production/distribution) peut être source d'abus. Les
risques sont toutefois différents. Le danger ne se situe pas, du moins pas
seulement, dans les clauses accessoires, mais également dans les termes
principaux de l'échange : les obligations réciproques, qui peuvent se révéler
léonines, et la durée de la relation, qui peut, soit enfermer le cocontractant
dans la relation de dépendance, soit, au contraire, ne pas lui permettre
de rentabiliser les investissements réalisés. La lutte contre de tels abus de
dépendance emprunta le même chemin que pour les contrats d'adhésion.
Elle se réalisa tout d'abord par l'adoption de réglementations spéciales.
C'est le décret du 23 décembre 1958 pour le contrat d'agent commercial
(codifié et retouché par la loi du 25 juin 1991 : C. com., L. 134-1 et s.) ou
encore la loi du 6 juillet 1964 pour le contrat d'intégration agricole. La
protection est alors essentiellement assurée par une obligation précontractuelle d'information afin que le contractant évalue au mieux la rentabilité
de l'opération (C. rur., L. 326-6), par l'interdiction ou l'encadrement
de certaines clauses (pénales, résolutoires interdites, C. rur., L. 326-5 ;
clause de non-concurrence limitée à deux ans, C. com., art. L. 134-14),
par l'encadrement des conditions de renouvellement (C. rur., L. 326-7 :
tacite reconduction non supérieure à un an) ou de résiliation (C. com.,
art. L. 134-11 : préavis), voire même, pour le contrat d'agent commercial,
par le versement d'une indemnité de cessation d'activité (C. com., L. 134-12
et s.)
Elle se généralisa ensuite via le droit, non plus de la consommation, mais
de la concurrence, dont l'ordonnance du 1er décembre 1986 sera le texte
fondateur. Depuis, les législateurs successifs n'ont cessé de modifier et de
renforcer la liste des pratiques dites « restrictives de concurrence » visant
à prévenir ou sanctionner les abus de dépendance. Deux mesures phares
de ce dispositif méritent d'être évoquées : l'une relative à la durée, l'autre
relative à l'équilibre de la convention. La première sanctionne la rupture
brutale ou la menace de rupture brutale d'une relation commerciale établie
(C. com., L. 442-6, I, 5°). La seconde punit le fait de soumettre ou de tenter
de soumettre son partenaire à des obligations créant un déséquilibre significatif entre les parties.
Si le succès rencontré par ces deux mesures et l'élaboration progressive
d'une jurisprudence relative à ces pratiques laissent à penser que le besoin
de protection contre les abus de dépendance pourrait être satisfait par
l'application de ce droit spécial de la concurrence, on ne peut manquer
d'observer que, comme pour les contrats d'adhésion, la chambre commerciale de la Cour de cassation a accepté, dans des arrêts aussi rares que
remarqués, d'altérer les règles classiques du droit commun des contrats
pour faire face à la réalité des contrats de dépendance. Ce sont les arrêts
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