Grands Colloques - La crise des institutions - 71

LOÏS RASCHEL

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liés aux séparations et aux mesures de protection des majeurs27. Dans cette
hypothèse, le juge va répondre à la crise en réglant les conflits ; il entre dans
son office de trancher les litiges qui lui sont soumis28. Mais une institution
peut aussi être en crise car le législateur tarde à agir : dans ce cas, le juge va
répondre non seulement en réglant les conflits, mais aussi en faisant évoluer
le droit positif. Sur ce point, un bref rappel historique s'impose car le rôle
du juge a beaucoup évolué29. Chacun se souvient de la formule très dure de
Robespierre : « Ce mot de jurisprudence doit être effacé de notre langue »30.
Mais le juge a progressivement pris son envol, à tel point que l'on a reconnu
à la Cour de cassation « une nature législative »31. Comme le remarque M. le
professeur Jacques Krynen, c'est surtout la loi du 1er avril 1837 qui a permis
une telle évolution : « En supprimant le référé au chef de l'État et le recours
à une loi interprétative, en obligeant la seconde cour d'appel de renvoi à
adopter la solution de droit émise par les chambres réunies, cette loi a conféré
à la Cour, jusque-là pensée comme simplement « régulatrice », une autorité
normative désormais comparable à celle du législateur »32. Aujourd'hui, le
juge judiciaire possède un véritable pouvoir créateur33. Ce pouvoir va être
utilisé par le juge pour résoudre les crises. Deux exemples connus peuvent
suffire à l'illustrer. D'abord, la crise du contrat s'est accompagnée d'une
plus grande intervention du juge34. Il s'agit, a-t-on écrit, d'une crise de la
« conception individualiste et libérale du contrat »35. Dans l'attente d'une
réforme - qui n'est désormais plus si lointaine -, le juge est intervenu36 :
il a « forcé » le contrat en « découvrant » un certain nombre d'obligations,

27. IHEJ, rapport préc., p. 27 : « On songe également au contentieux familial directement
lié aux évolutions de la famille et notamment la séparation des couples, ou aux tutelles dont
l'évolution du contentieux évolue en raison du vieillissement de la population ».
28. J. Normand, in Dictionnaire de la justice, préc., V° Office du juge, p. 925 et s. Sur la
diversité des fonctions du juge : R. Colson, La fonction de juger, Étude historique et positive,
av.-propos G. Canivet, préf. L. Cadiet, PU Clermont-Ferrand-LGDJ, 2006, n° 401 et s.
29. Nous renvoyons pour l'essentiel à l'ouvrage de J. Krynen, L'État de justice, France,
XIIIe-XXe siècle, II, L'emprise contemporaine des juges, Gallimard, 2012. V. égal. R. Colson,
op. cit., spéc. n° 174 et s.
30. P. Bellet, « Grandeur et servitudes de la Cour de cassation », RIDC 1980, p. 293 et
s. ; J. Krynen, op. cit., p. 21 et s.
31. F. Zenati, « La nature de la Cour de cassation », BICC n° 575, 15/04/2003. Adde
J. Krynen, op. cit., p. 191.
32. J. Krynen, op. cit., p. 192.
33. J. Normand, in Dictionnaire de la justice, préc., p. 926.
34. B. Fages, « Le contrat est-il encore la "chose" des parties ? », in C. Jamin et D. Mazeaud
(dir.), La nouvelle crise du contrat, préc., p. 154 et s.
35. C. Jamin, « Quelle nouvelle crise du contrat ? », in C. Jamin et D. Mazeaud (dir.),
La nouvelle crise du contrat, préc., p. 8.
36. B. Fages, art. préc., p. 154 et s.
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