Grands Colloques - La crise des institutions - 89

ANNE-SOPHIE CHONÉ-GRIMALDI

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S'agissant de la décision rendue, la question de son autorité se pose.
Celle-ci, notamment, ne saurait être revêtue de l'autorité de chose jugée,
faute de jugement.
Dans sa dimension négative, on sait que l'autorité de chose jugée
« s'oppose à ce qu'un juge statue, en dehors d'une voie de recours, sur une
demande qui a déjà fait l'objet d'une décision de justice »33. Si celle-ci n'est
pas conférée à la décision rendue par une autorité administrative indépendante, l'adage non bis in idem prend le relais, afin d'éviter qu'un nouveau
recours puisse être intenté s'agissant des mêmes faits. Dans sa dimension
positive, l'autorité de chose jugée « s'oppose à ce qu'un juge, saisi d'une
demande nouvelle, remette en question les constatations effectuées par une
juridiction qui aurait rendu une précédente décision entre les mêmes parties
à propos d'une autre demande »34. Cette dimension qui n'est, en principe,
pas reconnue aux jugements, l'est parfois, étonnamment, aux décisions
rendues par les autorités administratives indépendantes. Par exemple, lors
d'une action exercée en vue d'obtenir réparation des dommages consécutifs à une pratique anticoncurrentielle sanctionnée par l'Autorité de la
concurrence, la décision de cette dernière devra être respectée35. On parle
à cet égard d'« autorité de chose décidée ».
Se pose enfin la question des voies de recours. À qui confier cette compétence ? La décision rendue par les autorités administratives indépendantes
étant nécessairement de nature administrative, on aurait pu penser que
le Conseil d'État serait seul en charge de ce contentieux. Pourtant, par
dérogation, la loi renvoie souvent ces recours à la compétence de la cour
d'appel de Paris36, ce qui entraîne au moins deux difficultés. Premièrement,
cela donne l'impression que la décision adoptée par l'autorité administrative
33. Th. Le Bars, « Autorité positive et autorité négative de chose jugée », Procédures 2007,
étude 12 ; Droit judiciaire privé, Montchrestien, 5e éd., 2012, n° 350 et s.
34. Ibid.
35. Pour les actions de groupe : article L. 423-17, al. 2 du Code de la consommation. Pour
les actions individuelles, la règle sera consacrée dans la loi de transposition de la directive
2014/104/UE du 26 novembre 2014.
36. Renvoi à la cour d'appel de Paris des décisions de l'Autorité de la concurrence
(L. 464-8 du Code de commerce), de l'Autorité des marchés financiers (L. 621-30 du Code
monétaire et financier), de la Commission de régulation de l'énergie (L. 134-21 du Code
de l'énergie), de l'ARCEP (L. 5-6 et 36-8 du Code des postes et des communications
électroniques). Le Conseil constitutionnel a jugé comme étant conforme à la Constitution
l'attribution de cette compétence à la juridiction judiciaire (Cons. constit., 23 juillet 1996,
n° 96-378 DC, loi de réglementation des télécommunications).
Le principe de la compétence de la cour d'appel de Paris dans le contentieux de la
concurrence est validé par le Conseil constitutionnel dans la mesure où il est justifié par
les nécessités d'une bonne administration de la justice. Une exigence est posée: la possibilité
pour la cour d'appel de prononcer un sursis à exécution. V. Cons. constit., n° 86-224 DC,
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