Grands Colloques - La crise des institutions - 99

ANNE-MARIE LE POURHIET

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de son côté venir le tandem Luchaire, père & fils, pour présenter leur
« rapport sur l'influence économique et sociale » d'un changement statutaire. Inutile de préciser que l'on ne trouvait, dans ce rapport, pas l'ombre
d'un lien entre un changement de statut et la crise économique et sociale
structurelle et incurable des Antilles. Après deux référendums négatifs,
la Martinique a quand même fini, après une troisième consultation, par
changer de statut en 2011, sans que cela ne change évidemment rien au
marasme insulaire.
Je pourrais aujourd'hui exprimer exactement la même ironie désabusée
dans un quotidien national en l'intitulant « La République nouvelle est
arrivée! ». L'on peut en effet s'interroger légitimement sur toutes les consultations d'experts et de comités divers censés se pencher sur notre république
malade en lui procurant des remèdes institutionnels aussi efficaces qu'un
cautère sur une jambe de bois. Une relecture de Molière devrait peut-être
ramener à la lucidité nos maniaques de la réforme institutionnelle.
J'ai récemment cru, en lisant le journal Le Monde du 5 octobre 2014,
que j'avais trouvé un allié en la personne de Jacques Julliard. Celui-ci
commence, en effet, sa tribune par un réquisitoire sévère contre les «faiseurs
de systèmes ».
Il écrit en effet : « Voici donc revenu le casse-tête institutionnel. C'est
un grand classique de notre petit théâtre politique. Quand tout va mal
en France, ou presque ; quand l'économie piétine, que la justice patine et
que l'école décline ; quand le bâtiment va mal et que le chou-fleur ne se
vend pas bien ; quand la grève, qui fut jadis le recours ultime des prolétaires, devient l'arme des huissiers et des pilotes de ligne ; quand enfin les
Français ne s'entendent sur rien et que les partis se disputent sur tout, alors
la classe politique, élargie aux journalistes et aux professeurs de droit, ressort
sa potion magique : le changement de Constitution ! Telle est l'illusion institutionnelle qui à intervalles réguliers s'empare des élites ».
Je crois effectivement que la crise que nous connaissons et que Jacques
Chevallier a décrite ce matin de façon lucide et exhaustive, résulte en
grande partie de la mondialisation, de la numérisation, des migrations et
donc de la perte de repères, des frontières et des identités qui en résulte.
La fragilisation du cadre stato-national, le triomphe de l'individualisme,
la montée du communautarisme et de l'incivisme ont assurément des
conséquences institutionnelles, puisqu'ils touchent tous les segments du
vivre-ensemble, mais ces fractures profondes ne se résoudront pas par des
réformes institutionnelles.
L'effondrement de la verticalité républicaine, l'effacement du primat
de l'intérêt général, le culte des « droits » individuels et catégoriels, et la
substitution du réseau à la pyramide, dans ce que Carbonnier appelle
la « pulvérisation du droit objectif en droits subjectifs », a effectivement
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