Contextes - La réception du droit du travail par les milieux professionnels et intellectuels - 108

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LE TEMPS DES INSTITUTIONS

Louis Sarrut qui expose ainsi : « À l'instar du prêteur romain, le juge sait
adapter la lettre de la loi aux besoins et aux transformations de la société
et rattacher les solutions le plus étroitement possible aux règles du droit
naturel et de l'équité »55.
Légitime lorsqu'elle œuvre à désamorcer les conflits au sein du corps
social, l'intervention de la puissance publique dans la relation de travail
doit cependant pouvoir être bornée. En effet, la dynamique républicaine de
protection des personnes les plus vulnérables - femmes, enfants, hommes
dont la santé pourrait se trouver compromise -, apparaît essentiellement,
aux yeux de Louis Sarrut, comme un ultime substitut aux défaillances
éventuelles de l'initiative privée : « Je dis à tous, grands et petits, puissants
et humbles, riches et pauvres : les lois sont impuissantes à réparer toutes les
imperfections, à compléter toutes les lacunes de l'organisation sociale. La
loi ne peut régler que le droit positif, c'est-à-dire les rapports des hommes
au point de vue du juste et de l'utile. Mais il existe un droit supérieur,
immuable, qui a sa source dans les devoirs réciproques de solidarité et de
fraternité. Quoique nous puissions faire, la misère, le mal ne seront jamais
supprimés : il y aura toujours des pauvres à secourir, des malheureux à
consoler, des injustices à redresser. Les limites du droit positif sont étroites ;
nous allons tous au-delà, nos intérêts et nos cœurs confondus dans un effort
commun vers le mieux »56.
En l'espace de dix années, entre 1890 et 1900, au moment précisément où
la législation ouvrière parvient à s'imposer dans les programmes d'enseignement des facultés de droit avec le décret du 24 juillet 1889 qui en
consacre officiellement le principe, les discours de rentrée portant sur les
questions sociales tendent à lui accorder une place sans cesse croissante.
Progressivement, la législation ouvrière tend même à absorber l'essentiel
de ce qui relevait précédemment de la législation sociale. L'édiction, au
cours de cette décennie, de dispositions relatives à l'encadrement des
conditions de travail des personnes regardées comme les plus vulnérables
ou les plus exposées aux risques - qu'il s'agisse des femmes, des enfants
ou plus largement des ouvriers de l'industrie -, contribue sans nul doute
à l'absorption partielle de la question sociale par la législation ouvrière.
L'intégration dans le champ de la législation industrielle de dispositions
relevant de l'économie sociale - comme l'attestent les premières publications universitaires consacrées à cette nouvelle discipline académique -, y
contribue tout aussi largement.
Les développements consacrés à la législation ouvrière offrent en outre
l'occasion aux magistrats qui en ont la charge, de s'interroger sur sa
55. sarrut L., L'œuvre législative de la Troisième République [...], op. cit., p. 24.
56. Ibid., p. 36.

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