Contextes - La réception du droit du travail par les milieux professionnels et intellectuels - 117

UN DROIT EN CONSTRUCTION (1936-1968)

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communautaire de Vichy14, elle fait de la profession le centre du dispositif
de contrôle du monde du travail, sous l'œil des pouvoirs publics. Elle
impose un syndicat unique par communauté professionnelle, obligatoire
et mis sous la tutelle très étroite de l'État. La deuxième institution créée
par la charte est le comité social d'entreprise : obligatoire dans les entreprises de plus de 100 salariés, il a un rôle de « collaboration » et d'« aide
à la direction » de l'entreprise, ainsi que « d'échange d'information » et
d'assistance (cette mission sera un véritable succès dans une période de
grave pénurie alimentaire). En définitive, la Charte du travail est un échec
total, à l'exception des comités sociaux, repris à la Libération sous le nom
de comités d'entreprise.
Ces dispositifs de régulation collective sont donc marqués par les contradictions internes au régime de Vichy mais aussi par la place prise dans
l'économie nationale par les autorités d'occupation - en sorte qu'ils ne
peuvent pas véritablement être instaurés, à l'exception des comités sociaux
d'entreprise. Il reste que Vichy aura permis d'aller au bout de la démarche
qui consiste à appliquer au monde du travail une logique communautaire
et corporatiste. On notera d'ailleurs qu'à aucun moment elle n'évoque les
conditions individuelles d'exercice du travail par les salariés, celles-ci étant
renvoyées à des formes de structuration collective (la communauté professionnelle et les comités sociaux). C'est donc bien de cette nécessité d'une
organisation collective du travail dont témoigne Vichy, dans la continuité
des tentatives des années 1930, et plus lointainement de certaines prises de
positions des entrepreneurs de la législation industrielle au début du siècle,
en particulier autour du contrat collectif de travail.

C. 1945-1968 : imposer les syndicats dans l'entreprise
et protéger les salariés
Il est d'usage de présenter les grandes réformes sociales des années
1945-1946 comme la réalisation d'une synthèse entre certaines expériences
issues de Vichy et les déclarations d'intention progressistes des organisations réunies dans le Conseil national de la Résistance (CNR). Les
décennies suivantes (jusqu'en 1968) sont alors considérées comme des
périodes d'ajustement de l'édifice construit en 1945 et conduisant à l'instauration d'une sécurité sociale, au sens large que Robert Castel donne au
terme, dans le cadre de l'État protecteur15.
14. Pour une revue de l'ensemble de ces formes de communautés, dont la « communauté
professionnelle » n'est qu'un aspect, voir Cohen A., « Vers la révolution communautaire »,
Revue d'histoire moderne et contemporaine, 2004, vol. 51 (2), p. 141-161.
15. CasteL R., L'insécurité sociale : qu'est-ce qu'être protégé ?, Seuil, 2003, p. 25-38.

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