Contextes - La réception du droit du travail par les milieux professionnels et intellectuels - 127

UN DROIT EN CONSTRUCTION (1936-1968)

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embryonnaires, à la CGT comme à la CFTC, et les spécialistes du droit,
quand ils existent, sont des syndicalistes diplômés en droit mais militant
par ailleurs - les permanents sont très peu nombreux. L'activité principale
consiste à établir des liens avec les avocats et à aider les militants défendant
leurs adhérents aux prud'hommes.
Dans le cas de la CGT, l'investissement est relativement faible, sans
doute moins du fait du manque d'intérêt pour le droit que du manque de
moyens. L'effort porte, à la confédération et dans les grandes fédérations,
sur le lien avec des avocats et sur l'appel à de jeunes diplômés des facultés
de droit ou de Sciences-po, qui apportent leur expertise à l'organisation.
Au départ peu politisés, ils fournissent un savoir et un savoir-faire qu'ils
auraient pu mettre à disposition d'autres structures ; ce n'est que dans un
deuxième temps, à travers la socialisation apportée par la fréquentation des
militants, qu'ils intériorisent la ligne de leur organisation et apprennent à
percevoir le droit comme militant. On rappellera que le service juridique
confédéral, créé en 1936, est dirigé jusqu'en 1957 par Henri Reynaud, secrétaire confédéral chargé des questions sociales et de la négociation collective.
Mais l'activité juridique est surtout le fait des revues, que ce soit le service
juridique de La vie ouvrière (André Boullet) ou Droit ouvrier (Maurice
Boitel et Francis Saramito).
Le développement du juridique à la CGT après la guerre a surtout été
facilité par l'afflux d'adhérents, et donc des moyens financiers de l'organisation. La radicalisation des années 1947-1948, la scission de 1948 et,
par conséquent, l'érosion des adhésions qui en découle, provoquent un
affaiblissement de la CGT dans les deux décennies qui suivent, et l'amoindrissement de son activité juridique. Le renouveau de celle-ci peut être daté
de 1957, date à laquelle le congrès de la fédération adopte trois résolutions
concernant des questions juridiques. Au début des années 1960, la CGT
réactive sa commission juridique, composée de responsables juridiques
des fédérations et de la confédération, de conseillers prud'hommes et
d'avocats29. Entre la fin des années 1960 et le début des années 1970, le
juridique prend une importance centrale dans l'organisation.
La CGT n'est cependant pas la seule à mettre en place des éléments de
structuration des activités juridiques. La période des années 1930-1950 est
en effet marquée par la fin du monopole de la CGT sur la représentation
des salariés. Dans les années 1930, cette nouvelle concurrence devient le
pivot de la diffusion de la raison juridique dans le monde syndical. La
Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), née en 1920, fait
de l'action juridique un point fort du nouveau syndicalisme qu'elle tente
de promouvoir. En 1938, Paul Vignaux, alors secrétaire général du SGEN,
l'une des fédérations de la CFTC, affirme ainsi que le syndicalisme chrétien
29. teLLier E., « Changer le regard des militants sur le droit [...] », op. cit., p. 65-66.

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