Contextes - La réception du droit du travail par les milieux professionnels et intellectuels - 140

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LE TEMPS DES INSTITUTIONS

C. La contre-offensive de l'inspection du travail
Lucrèce Guelfi soutient la légitimité du corps des inspecteurs du travail
ainsi que leur indépendance vis-à-vis de l'administration locale. Pour y
parvenir, elle associe habilement la défense d'intérêts corporatistes à la
défense de l'intérêt général et à la nécessité de préserver la paix sociale en
Afrique subsaharienne - zone où l'agitation est la plus forte.
Dans plusieurs territoires, l'administration locale cherche de façon récurrente à contrôler les inspecteurs qui sont sur le terrain, car, elle demeure
attentive aux intérêts économiques publics, mais aussi privés, et continue
de penser la politique du travail comme un outil de maintien de l'ordre. En
1948, l'inspecteur Charles Colonna d'Istria mentionne plusieurs exemples
d'incursions de l'administration du gouvernatorat au sein de l'inspection33.
Même après la promulgation du CTTOM, ces tentatives persistent. Ainsi,
en mars 1954, en réponse au rapport réalisé par l'inspecteur de la France
d'outre-mer Truitard34, Lucrèce Guelfi est-elle obligée de rappeler qu'avec
la promulgation du code, le rattachement des inspections du travail ultramarines au service central du travail n'a plus à entraîner de discussion du
fait de sa portée légale35.
Lucrèce Guelfi met également en évidence les dangers qu'il y aurait
pour l'intérêt général et la paix sociale à rattacher de nouveau l'inspection
à l'administration locale, comme cela se produisait durant la période
coloniale. En raison de la nature de son activité, l'inspection du travail et
des lois sociales (contrôle, conciliation, conseil) ne peut dépendre d'une
administration qu'elle doit contrôler. L'administration reste en effet un des
employeurs de main-d'œuvre parmi les plus importants36. Pour les mêmes
motifs, apparaître comme un porte-parole de l'administration locale serait
désastreux pour l'inspection, en particulier au regard du rôle central que
joue l'inspecteur du travail au sein de la commission consultative du travail
- commission qui influe sur la politique sociale des divers territoires.
Non seulement Lucrèce Guelfi défend les prérogatives de son administration, mais pour rendre son action plus efficace elle ouvre une voie
spécifique de correspondance avec ses inspecteurs37.
33. Lettre de l'inspecteur Charles Colonna d'Istria, 14 septembre 1948, op. cit., fol. 2.
34. Ce rapport a été rédigé dans le cadre de la mission coordonnée par l'inspecteur de la
France d'outre-mer Mazodier et traite de l'organisation du service de l'inspection du travail
et des lois sociales du Togo.
35. Note de Mlle Guelfi pour le directeur du contrôle à la suite du rapport Truitard,
23 mars 1954, ANOM, IGT//114 (rapports d'inspecteurs de la France d'outre-mer [direction du contrôle] sur les services sociaux des territoires), fol. 2.
36. Ibid., fol. 2-3.
37. Cette correspondance est particulièrement intéressante, car au-delà de son utilité, elle
pose la question de la façon dont le chercheur appréhende les archives administratives.

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