Contextes - La réception du droit du travail par les milieux professionnels et intellectuels - 211

LES CATHOLIQUES SOCIAUX ET LE DROIT DU TRAVAIL

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un télos qui est leur horizon de sens et de légitimité. « Le droit individualiste
a mieux le sentiment des intérêts, écrit-il, tandis que le droit social a mieux
celui des fonctions »73. Tout tend, par conséquent, vers une objectivation
des modalités d'exercice et de contrôle par les salariés et les services de
l'État, de ce que l'on déclinera de plus en plus en termes de missions.
Déjà s'énonce la notion d'« intérêt de l'institution »74 qui se condensera
plus tard dans celle d'« intérêts de l'entreprise » comme pierre de touche du
pouvoir aussi bien en matière disciplinaire (statut du règlement intérieur,
sanctions, etc.) que dans le domaine de la gestion (compression des effectifs,
modification du contrat de travail, etc.). Une telle analyse débouche
naturellement sur la théorie, d'origine publiciste, d'« abus », d'« excès » ou
de « détournement » de pouvoir, une théorie au cœur du débat doctrinal75,
mais aussi, et déjà, à l'œuvre dans la jurisprudence76.
Mais ce n'est pas parce qu'elle insiste sur l'unité de cet ensemble organisée,
que cette pensée néglige le jeu des distances sociales et politiques et l'art
systémique des équilibres. Tant s'en faut.

3. Une pensée de la dynamique interne
On sous-estime généralement à quel point Hauriou est un penseur du
conflit, de la tension comme lieu de production de la « vie », selon une
terminologie à la fois typiquement catholique mais aussi bergsonienne, et
comme condition de l'historicité. Toute institution constitue, à ses yeux, le
site d'une énergétique sociale, dont il s'attache à déterminer les modalités
optimales de déploiement. D'où son intérêt déjà souligné pour la thermodynamique. Mais, curieusement, cet admirateur de Proudhon (il parle de
ses Contradictions économiques comme d'un « livre magistral »77) s'avère
être en même temps un passionné d'ordre, ce qui peut surprendre sans
73. Principes de droit public, op. cit., p. 40.
74. Ibid., p. 137 et 172.
75. Voir Josserand L., Essai de téléologie juridique. I - De l'esprit des lois et de leur
relativité. Théorie dite de l'abus des droits, 1927 qui fait de l'abus de droit non le résultat
d'une faute mais « le détournement du droit de sa fonction sociale », p. 368.
76. Ainsi, cette décision de 1927 d'un conseil de prud'hommes relative à une grève de
protestation contre l'exécution de Sacco et Vanzetti, grève jugée abusive par détournement
du droit de sa finalité : « Quiconque use d'un droit sans nécessité porte préjudice à autrui et
commet un acte illicite qui constitue un abus de ce droit, non pas en raison de l'intention qui
l'inspire, mais par lui-même, parce qu'il constitue objectivement un fait anormal, excessif,
contraire à la destination économique et sociale du droit subjectif, exercice réprouvé par
la conscience publique et dépassant, par conséquent, le contenu du droit, puisque ce droit,
du point de vue social, est relatif, et qu'il n'y a pas de droit absolu », cité par renard G.,
Philosophie de l'institution, op. cit., p. 121.
77. La science sociale traditionnelle, Librairie de la société du recueil général des lois et
des arrêts, 1896, p. 95.
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