Contextes - La réception du droit du travail par les milieux professionnels et intellectuels - 216

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LE TEMPS DE LA DOCTRINE

un ensemble d'individus qui forment un groupe ; en cela, cet adjectif est
classiquement opposé au vocable individuel. S'agissant, ensuite, du sens
du terme autonomie, il dépend « de l'idée que l'on s'en fait »6 : Dworkin
livre pas moins de dix définitions, très disparates, tout en tentant de dégager
des « caractéristiques constantes »7 ; O'Neill lui reproche à la fois d'être
incomplet - d'autres acceptions sont proposées - et de déceler des « caractéristiques constantes qui ne le sont pas »8. Du reste, le rayonnement de
cette expression est tel - de la philosophie à la sociologie, en passant par la
médecine, le droit, etc. - qu'elle en devient hermétique à toute signification
communément admise.
Ceci dit, étymologiquement, l'autonomie vient de autonomos, combinaison d'autos (même, lui-même, de lui-même) et nomos (loi) ; elle signifie ce
qui est régi par ses propres lois, et s'oppose alors à l'hétéronomie (fait pour
une personne ou une chose d'être soumise à des règles d'origine extérieure).
C'est trouver en soi-même sa propre source de règles, ne dépendant de
personne d'autre ; c'est en quelque sorte s'auto-règlementer. Néanmoins,
l'on peut - dans une perspective tout autre - voir dans l'autonomie un
synonyme de singularité, permettant ainsi d'opérer une comparaison :
le premier est autonome du second, parce que de fortes spécificités ont
été détectées ; il mérite, à ce titre, un traitement différent. Entre ces deux
approches extrêmes, une voie médiane : le caractère autonome de quelque
chose peut s'observer en fonction de son objet et de sa logique intrinsèque.
Partant, lorsque l'autonomie collective est comprise comme « un
processus selon lequel une collectivité se rend source de ses propres
normes juridiques »9, l'on ne peut que constater une référence expresse à
l'acception étymologique du vocable autonomie ; elle n'est donc regardée ni
sous l'angle de la comparaison pour dégager sa singularité, en l'occurrence
son particularisme par rapport aux sources formelles du droit du travail,
ni pour analyser sa logique intrinsèque. Pourquoi pas : cela présuppose,
toutefois, d'inscrire l'analyse dans le champ du pluralisme juridique selon
lequel le droit n'est pas nécessairement produit par l'État10 ; des ordres
juridiques naissent, existent en dehors de toute structure étatique, voire en
concurrençant le droit de l'État ; les rapports qu'entretiennent ces ordres
6. Le CoadiC r., « L'autonomie, illusion ou projet de société ? », Cahiers internationaux
de sociologie 2006/2, n° 121, p. 317-340.
7. dWorkin g., The Theory and Practice of Autonomy, Cambridge University Press,
1998, p. 6.
8. o'neiLL o., « Autonomy : Autonomie : le roi est nu », Raison publique, n° 2, avril 2004,
p. 2.
9. yannakourou S., L'État, l'autonomie collective et le travailleur. Étude comparée du
droit italien et du droit français de la représentativité syndicale, LGDJ, 1995.
10. Pour une analyse montrant que le pluralisme juridique renferme lui aussi plusieurs
acceptions : bonnet b. (dir.), Traité des rapports entre ordres juridiques, LGDJ, 2017.
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