Contextes - La réception du droit du travail par les milieux professionnels et intellectuels - 35

UNE ÉTAPE DANS LA RÉGLEMENTATION DU TRAVAIL

de nuit (c'est-à-dire entre neuf heures le soir et cinq heures le matin) est
interdit pour les garçons de moins de seize ans et les filles mineures57, avec
toutefois la possibilité de suspendre cette prohibition en cas de chômage,
mais pas pour les enfants de moins de douze ans (article 4). De même, les
garçons de moins de seize ans et les filles mineures ne pourront travailler
les dimanches et jours fériés, y compris pour ranger l'atelier58, sauf dans
les usines à feu continu59, où ils pourront œuvrer à condition qu'on leur
laisse le temps et la liberté nécessaires pour accomplir leurs devoirs religieux
(articles 5 et 6). Le travail dans les mines est interdit aux garçons avant l'âge
de douze ans et de manière absolu à tout individu de sexe féminin quel
que soit son âge, il s'agit là d'ailleurs de la seule disposition concernant les
adultes (article 7)60. L'enfant de moins de douze ans ne pourra être admis à
l'usine qu'autant que ses parents prouvent qu'il fréquente une école. Donc
jusqu'à douze ans l'école est obligatoire et avant quinze ans l'enfant ne
pourra pas travailler plus de six heures par jour, s'il ne peut exhiber le certificat d'un instituteur, visé par le maire, attestant que l'intéressé jouit d'une
instruction primaire élémentaire (articles 8 et 9)61. La loi prévoit également
des mesures de surveillance des enfants et de police des ateliers, notamment
la délivrance par le maire d'un livret comportant des renseignements sur
l'enfant, dont sa date de naissance et le temps pendant lequel il a fréquenté
l'école. Ce livret devra comporter la date d'entrée et de sortie de chaque
57. taLLon E., Manuel pratique pour l'application de la loi du 19 mai 1874 [...], op. cit.,
p. 28.
58. « La loi nouvelle a même supprimé la tolérance qui existait pour le rangement de
l'atelier dans les maisons où l'on emploie des apprentis. Cette tolérance avait été une source
d'abus. Le législateur a voulu les faire disparaître... On s'est demandé si l'interdiction du
travail du dimanche devait être appliquée aux enfants d'un culte dissident, notamment aux
enfants du culte israélite. Cela n'est plus douteux aujourd'hui. Un amendement présenté
par M. Bamberger, pour faire autoriser les jeunes israélites à travailler le dimanche, a été,
en effet, repoussé dans la discussion de la loi. On a pensé qu'en France le très petit nombre
des enfants n'appartenant pas aux cultes chrétiens, catholique ou protestant, était insuffisant
pour motiver une exception à la règle générale. On a craint l'abus et le trouble qui eussent
pu résulter d'une telle tolérance pour l'application de la loi », ibid., p. 37-38.
59. Ibid., p. 29.
60. La Grande-Bretagne a adopté elle aussi, en 1842, une législation se rapportant au travail
des enfants dans les mines à la suite d'une enquête de trois ans sur la condition des jeunes
travailleurs (The condition and treatment of the children employed in the mines and colliers
of the united kingdom..., William Strange, 1842). Les résultats très choquants donnent
lieu à l'adoption d'un bill : Mines and collieries (voir H.C. Deb 5 July 1842, vol. 64 cc 1009
et H.L. Deb 1 August 1842, vol. 65 cc 893) qui interdit le travail des enfants de moins de
dix ans dans les mines.
61. TaLLon E., Manuel pratique pour l'application de la loi du 19 mai 1874 [...], op. cit.,
note 53, p. 48 : « La création d'écoles spéciales annexées à la fabrique est le plus sûr moyen
d'assurer l'instruction aux enfants, dans les ateliers éloignés des écoles communales.
Beaucoup d'industriels, en France, sont déjà entrés dans cette voie, et sont ainsi arrivés à
une complète application de la loi ».

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