Contextes - La réception du droit du travail par les milieux professionnels et intellectuels - 69

UNE RÉFORME ORIGINALE

ouvrier s'il apparaît que ce congédiement a été prononcé en raison de faits
se rattachant à l'exercice de la fonction de délégué syndical. Pratiquement,
il y aura conflit collectif toutes les fois que du côté ouvrier un syndicat sera
en cause et que les droits ou intérêts invoqués par ce syndicat seront des
droits ou des intérêts collectifs tels que la liberté syndicale23.
Ces quelques exemples montrent que les arbitres, et surarbitres,
ont dû résoudre les questions les plus diverses. Le Journal officiel du
3 septembre 1937 a publié la plus grande partie du texte des cent premières
sentences surarbitrales qui ont été rendues du 19 janvier 1937 au 8 avril de
la même année. Les textes montrent que si de nombreux conflits portent sur
les salaires, d'autres concernent les points les plus controversés et les plus
discutés du nouveau droit social : à savoir la mise en œuvre des conventions
collectives, les difficultés d'interprétation de leurs dispositions, les congédiements contestés comme attentatoires à la liberté syndicale, la réintégration,
etc. Réalisée par paliers, sous le poids des circonstances, la nouvelle procédure
n'est pas exempte de défauts dont beaucoup tiennent à son manque d'unité.
Les surarbitres tranchent seuls les différends. Ils sont choisis au cas par cas
en fonction de leurs qualités morales et intellectuelles, de leurs connaissances des grands problèmes économiques et sociaux, mais ils ne forment
pas un corps homogène, leur qualité commune de haut fonctionnaire, exigée
par les textes, n'étant pas suffisante pour assurer une cohésion. S'il est de
l'essence même de l'institution de laisser aux arbitres et surarbitres de très
larges pouvoirs, il devient nécessaire d'établir un certain contrôle sur leurs
sentences, un contrôle exercé par un organe qualifié et indépendant des
parties aussi bien que du gouvernement. Il faut aussi stabiliser les nouvelles
institutions qui, rappelons-le, n'ont qu'un caractère temporaire.
Ainsi va naître une juridiction particulièrement originale : la Cour
supérieure d'arbitrage.

II - LA COUR SUPÉRIEURE D'ARBITRAGE :
LA LOI DU 4 MARS 193824
Pour réguler le nouveau droit social, le gouvernement pense d'abord à la
jeune section sociale du Conseil d'État qui vient d'être créée. Mais c'eût été,
quoi qu'on en dise, placer le droit social sous la houlette de la juridiction
administrative alors qu'il a besoin d'autonomie et d'autorité.
Le gouvernement s'oriente donc vers la création d'une juridiction spécifique. Par la loi du 4 mars 1938, le législateur crée aux côtés du Conseil
23. Laroque P., « L'arbitrage obligatoire », op. cit., p. 230.
24. La Cour a tenu sa première séance le 9 mai 1938. Elle a siégé régulièrement deux fois
par semaine.

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