Contextes - La réception du droit du travail par les milieux professionnels et intellectuels - 71

UNE RÉFORME ORIGINALE

Au regard de la loi du 4 mars 1938, la Cour supérieure a précisé les
compétences des arbitres et surarbitres (A) et les pouvoirs de ceux-ci (B).

A. Compétence des arbitres
En matière juridictionnelle, la toute première des questions est celle de
la compétence, induite pour l'essentiel du champ d'application de la loi.
En d'autres termes, quels sont ratione materiae les litiges qui, en droit
social, doivent être soumis à la procédure obligatoire d'arbitrage. Par la
loi du 31 décembre 1936, le législateur a donné mission aux arbitres et
surarbitres de statuer sur « tous les différends collectifs du travail dans
l'industrie et le commerce ». Toutefois, à aucun moment, pas même dans
la loi du 4 mars 1938, il n'a été donné une définition du différend collectif.
Cette lacune « peut-être été voulue délibérément par le législateur - car
toute définition comme le dit un vieil adage tiré du droit romain s'expose
à être réfutée - a engendré quelques difficultés dont j'ai fait état un peu
plus haut. La Cour a définitivement consacré ce qui avait été esquissé
par quelques sentences. Deux conditions doivent être réunies pour qu'il
y ait un différend collectif : la première s'applique aux parties en cause, la
seconde à l'intérêt qui est en jeu. Le premier point n'a soulevé que peu de
difficultés dans les sentences arbitrales antérieures à 1938 et il a été repris
par la Cour : il faut qu'il y ait, comme partie au différend, un groupement
ouvrier, fût-ce un groupement de fait28. Cette condition très simple ne
nécessite aucune explication supplémentaire.
En revanche, la question de l'intérêt en jeu soulève beaucoup plus de
difficultés. Sans doute existe-t-il ici aussi des cas très simples, ceux par
exemple où le différend naît de l'interprétation des conventions collectives, des questions de salaires ou encore du caractère représentatif de tel
ou tel syndicat. Cependant, les difficultés commencent lorsqu'il s'agit de
mesures qui ne concernent qu'un seul individu mais auxquelles l'une des
parties attribue un caractère collectif. Le cas d'espèce le plus typique est
celui des licenciements : si un employeur licencie un salarié, est-ce pour des
motifs uniquement individuels, ou bien parce que derrière lui, il entend
atteindre l'organisation syndicale dont il est membre. Dans le premier
cas, il s'agit d'un différend individuel qui est de la compétence du conseil
des prud'hommes ; dans le second il est d'ordre collectif et relève de la
procédure arbitrale. La compétence détermine les pouvoirs du juge. Les
prud'hommes peuvent condamner l'employeur à verser des dommagesintérêts. Les arbitres peuvent ordonner la réintégration - et aussi atteindre
le chef d'entreprise dans ses pouvoirs de direction.
28. 18 mai 1938, n° 118 ; 15 juin, n° 27.

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