Contextes - La réception du droit du travail par les milieux professionnels et intellectuels - 77

UNE RÉFORME ORIGINALE

donnée par la loi ne sont pas uniformément révisables. Il faut distinguer
dans un salaire la part qui correspond à ce que Pierre Tissier appelle le
minimum vital. Cette part doit être appréciée pour chaque catégorie de
personnel et elle n'est pas la même pour un cadre et pour un manœuvre.
Cette part est déterminée souverainement par le surarbitre, car elle ne
correspond pas, par exemple, aux salaires minima prévus par les conventions collectives. Les pouvoirs de l'arbitre, très larges pour l'appréciation du
minimum vital, sont en revanche limités quant aux modifications possibles :
le maximum du relèvement correspond « à la variation des indices du coût
de la vie », l'arbitre ne peut aller au-delà, mais il peut rester au deçà pour la
part du salaire qui ne correspond pas au minimum vital. On peut reprendre
la remarque de Jacques Chapsal dans l'article précité : « L'arbitre apprécie
souverainement ce qui ressort du régime de l'échelle mobile (le minimum
vital) et ce qui empêche l'échelle mobile de jouer (la compatibilité avec la
situation économique) ; mais il est tenu par le maximum légal de l'article, et
cela non seulement lorsqu'il révise une convention collective, mais encore
lorsqu'il élabore un règlement des conditions de travail... Il ne peut édicter
des règles plus favorables aux ouvriers que celles de la loi »40.
On se trouve devant une jurisprudence prétorienne qui est indubitablement marquée par les influences du Conseil d'État.
***
Le système de l'arbitrage obligatoire a été une des premières victimes
- au niveau institutionnel - de la guerre. Le décret du 1er septembre 1939
suspend l'application de la législation sur la conciliation et l'arbitrage. Un
second décret du 27 octobre 1939 maintient en vigueur, pour la durée
des hostilités, les conditions de travail résultant de sentences arbitrales
devenues définitives à la date du 1er septembre 1939. Mais le décret du
10 novembre 1939 décide que les clauses des sentences arbitrales peuvent
être révisées soit par accord entre les organisations concernées, soit par
décision de la « commission supérieure de révision des conditions de
travail » si l'économie de la sentence avait été bouleversée par des circonstances imprévisibles. De plus, le gouvernement réactive la distinction
classique entre les entreprises qui travaillent pour la défense nationale et
celles qui ne travaillent pas dans ce cadre. Pour les premières, les accords
doivent recevoir obligatoirement l'aval du ministre du Travail et les conditions peuvent toujours être modifiées par décision conjointe du ministre du
Travail et du ministre intéressé41. Ce régime prend fin avec l'armistice de
1940, mais l'arbitrage reste suspendu pendant toute la durée du régime de
Vichy. La Charte du travail (article 60) confie le règlement des conflits du
travail aux organismes professionnels. Il ajoute que les différends qui n'ont
40. ChaPsaL J., « Le droit social et la Cour supérieure d'arbitrage », op. cit., p. 471.
41. durand P., « La révision des conditions du travail », Dr. soc., 1939, p. 362 et s.

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