Contextes - La réception du droit du travail par les milieux professionnels et intellectuels - 81

LE DIALOGUE SOCIAL

Malgré cet ancrage juridique, le dialogue social est depuis plusieurs mois
tendu. En janvier 2015, les négociations sur la modernisation du dialogue
social ont échoué, laissant craindre une impossibilité de poursuivre le
dialogue et obligeant le gouvernement à reprendre la main8. En août, les
dispositions sociales de la loi Macron9 ont été décidées sans beaucoup de
consultations. Fin septembre, pour faire adopter la réforme des rémunérations des fonctionnaires refusée par trois syndicats, le gouvernement a
dû modifier in extremis la règle du jeu qui imposait un accord majoritaire.
En octobre dernier, l'image des chemises arrachées de dirigeants chez Air
France à la suite d'un comité d'entreprise tendu a fait le tour du monde. En
réaction, la CGT a boycotté la quatrième conférence sociale. Force est de
reconnaître que le dialogue social « fait une triste mine »10 ; ce serait même
un « d'un dialogue de sourds »11 tant les partenaires semblent incapables
de bâtir des compromis.
Le dialogue social est assez mal reçu par les partenaires sociaux. Pour les
employeurs, la négociation est davantage perçue comme une contrainte et
un coût que comme un levier de performance. Pour les acteurs syndicaux,
la négociation collective est difficile à mener dans un contexte de crise et
d'absence de « grain à moudre ». Certains responsables dénoncent un bipartisme asymétrique où le patronat imposerait ses projets. Il faut dire que le
mouvement syndical en France souffre depuis longtemps d'un manque de
ferveur et de divisions internes. Le sociologue Christian Thuderoz explique
qu'« on est encore en France dans une culture de la confrontation plutôt
que de la négociation »12. Le rapport Combrexelle fait aussi le constat que
la négociation est insuffisamment légitime, dynamique et innovante13. Le
dialogue social est également mal perçu par les français. Selon un sondage
réalisé début novembre, seuls 57 % des sondés se disent favorables au
dialogue social et pour 83 % d'entre eux, les derniers conflits marquent
une réelle dégradation14.
Dans ce contexte d'attaques de toutes parts, faut-il sauver le dialogue
social ? La question soulève à la fois des enjeux politiques et juridiques :
ceux de la bonne gouvernance, de la paix sociale, du rôle et de la place
8. « Le dialogue social interprofessionnel : accident ou rupture ? », SSL 2015, n° 1666, p. 5.
9. L. n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances
économique.
10. ChamPeaux F., éditorial, SSL 2015, n° 1695, p. 2.
11. Le Monde, 15 oct. 2015.
12. Thuderoz C., Petit traité du compromis, PUF.
13. La négociation collective, le travail et l'emploi, rapport de Jean-Denis Combrexelle,
septembre 2015.
14. Sondage Odoxa-MCI pour France Info et Le Parisien-Aujourd'hui en France. Sondage
réalisé auprès d'un échantillon de 1000 personnes, âgées de 18 ans et plus, interrogées par
Internet les 22 et 23 octobre, selon la méthode des quotas.

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