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LES DROITS

justement Véronique Champeil-Desplats51. D'autres arguments ont aussi
été invoqués très justement par Julien Bétaille en ce sens52.
Le Conseil constitutionnel pourrait être tenté de reproduire ce raisonnement très contestable en ce qui concerne l'invocabilité de l'article 5 en
QPC. Cela conduirait à refuser d'appliquer en QPC l'article dont la normativité a été la moins contestée en QPC, le principe de précaution.
La frilosité du Conseil se traduit ensuite par le fait qu'il semble négliger
de prendre en compte les impératifs de la Charte lorsqu'il interprète d'autres
normes de valeur constitutionnelle en QPC. Par exemple, le Conseil n'a
pas interprété le droit à la santé à la lumière des considérants de la Charte
dans une affaire où il semblait nécessaire de le faire. Précisons bien qu'il ne
s'agissait pas de statuer ici sur l'invocabilité directe et exclusive des considérants de la Charte en QPC, mais seulement de les prendre en compte dans
l'interprétation en QPC d'une autre norme. En effet, le Conseil constitutionnel a estimé que pour ne pas défavoriser la production industrielle
française on pouvait interdire la fabrication en France des produits en
contact avec les aliments contenant du bisphénol A, mais que l'on pouvait
l'autoriser pour l'exportation. Cette décision ne semble guère respectueuse du 7e considérant de la Charte, aux termes duquel « afin d'assurer
un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du
présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et
des autres peuples à satisfaire leurs besoins ». En effet, ce type de produits
a des effets graves sur la santé et compromet donc l'avenir des peuples
auxquels on fait consommer nos produits toxiques53.
La timidité du juge de la rue Montpensier se traduit enfin par les maigres
conséquences qu'il tire le plus souvent de l'application de la Charte. Même
lorsque le Conseil constitutionnel ne nie pas l'invocabilité de la Charte dans
telle affaire, les résultats de cette application restent faibles et décevants.
Dans bien des cas, le juge déclare une incompétence négative, reprochant
ainsi au législateur de n'avoir pas épuisé sa compétence. De manière alternative ou cumulative, il a lancé quelques avertissements au législateur ou
aux pouvoirs publics, mais tout cela reste le plus souvent très timorée,
surtout en dehors du contentieux de l'article 7 sur les principes d'information et de participation54.

51. V. Champeil-Desplats, « Charte de l'environnement : la QPC bute sur l'incipit.
À propos de la décision n° 2014-394 QPC du 7 mai 2014 », Rev. DH, Actualités Droitslibertés, mai 2014.
52. J. Bétaille, « Le principe de précaution, un "droit" garanti par la Constitution ? »,
RFD const., n° 105, 1/2016, pp. 29-60.
53. 2015-480 QPC du 17 sept. 2015, Association plastics Europe.
54. Cf. Les actes du colloque préc. sur les dix ans de la Charte de l'environnement.

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