Grands colloques - Droit public et droit privé de l'environnement : unité dans la diversité ? - 179

LES BIENS

175

En droit prospectif, la consécration à venir des « obligations réelles
environnementales » traduit le même mouvement de prise en considération des impératifs environnementaux5. Reprenant une idée phare de
Gilles Martin6, le Projet de loi pour la reconquête de la biodiversité,
de la nature et des paysages, voté en première lecture le 24 mars 2015
par l'Assemblée nationale, prévoit la création d'« obligations réelles
environnementales »7.
Inspirées des Conservation Easements d'origine américaine, ces conventions permettront à un propriétaire de transférer à une collectivité un droit
réel à finalité environnementale sur son bien, lequel lui imposera, ainsi
qu'aux acquéreurs successifs du bien, des limites ou des obligations. Le
Projet de loi reste silencieux sur la rémunération de telles obligations réelles
environnementales mais il est probable que le droit fiscal puisse ici jouer
un rôle incitatif.
Qu'il s'agisse du droit positif ou du droit prospectif, on voit bien que les
techniques du droit privé des biens peuvent facilement être mobilisées pour
satisfaire ou prendre en compte les impératifs environnementaux. Cette
métamorphose n'est en réalité rien d'autre que la traduction de l'adaptation
du droit des biens à des impératifs nouveaux. C'est un pas supplémentaire
qui est franchi avec la métamorphose des distinctions et des classifications
sur lesquelles repose tout le droit des biens.

5. M. Mekki, M. Boutonnet, « Environnement et conservation easements, pour une
transposition en droit français », JCP G 2012, 1023 ; J.-J. Sarlat et A. Olivier, « Les servitudes environnementales », Envir. et dév. durable, 2011/6, étude 7, p. 19, Sur les servitudes
légales et d'urbanisme « environnementales », B. Grimonprez, « Servitudes et contrats :
instruments de protection des espaces naturels et agricoles », Dr. et patr. juill.-août 2012,
spéc. p. 57 et s.
6. G. J. Martin, « Note relative à l'introduction en droit français d'une servitude contractuelle ou d'une obligation réelle ayant pour objet la protection de l'environnement »,
RJE 2008, n° spéc., p. 33 et s.
7. Code environnement, projet : « Art. L. 132-3. - Il est permis aux propriétaires de biens
immobiliers de contracter avec une collectivité publique, un établissement public ou une
personne morale de droit privé agissant pour la protection de l'environnement en vue de
faire naître à leur charge, ainsi qu'à la charge des propriétaires successifs du bien, les obligations réelles que bon leur semble, dès lors que de telles obligations ont pour finalité le
maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d'éléments de la biodiversité ou de
services écosystémiques dans un espace naturel, agricole ou forestier. La durée de l'obligation
et les possibilités de résiliation doivent figurer dans le contrat conclus entre les parties. Le
propriétaire ne peut, à peine de nullité absolue, accepter de telles obligations réelles environnementales qu'avec l'accord préalable et écrit du preneur ».

Grands colloques - Droit public et droit privé de l'environnement : unité dans la diversité ?

Table des matières de la publication Grands colloques - Droit public et droit privé de l'environnement : unité dans la diversité ?