Manuels - Droit des régimes matrimoniaux et du PACS - 5e - 126

DROIT DES RÉGIMES MATRIMONIAUX ET DU PACS
La tradition jurisprudentielle française a exprimé sa préférence pour la loi d'autonomie, puis est restée fidèle à la permanence du rattachement8. La faculté de choisir la loi
applicable à leur régime matrimonial appartient aux époux. À défaut de volonté conjugale
manifestée expressément, le juge, censé rechercher leur volonté implicite, s'attache à un
critère de rattachement plutôt objectif : il désigne comme loi applicable la loi interne de
l'État dans lequel les époux ont fixé leur premier domicile9. C'est avec cet État que les
époux sont censés entretenir le lien le plus étroit. Il ne s'agit cependant que d'une présomption simple admettant une preuve contraire10.
La Convention de La Haye11 confère un rôle déterminant à la volonté des époux. Elle
retient un critère de rattachement subjectif et permet aux conjoints de désigner, avant le
mariage, la loi applicable à leur régime matrimonial et de choisir leur régime matrimonial. La liberté d'option des époux est toutefois encadrée. Ils ne peuvent désigner que la
loi d'un État dont l'un des époux a la nationalité ou la loi de l'État sur le territoire duquel la
résidence habituelle de l'un d'eux est située, ou encore sur le territoire duquel il établira
une nouvelle résidence habituelle après le mariage12. L'absence de choix des époux
entraîne la désignation de la loi applicable à leur régime matrimonial par l'effet d'un rattachement objectif. En principe, l'article 4 prévoit la compétence de la loi de la première
résidence habituelle du couple après le mariage. Ce principe connaît néanmoins des
exceptions en faveur de la compétence de la loi nationale commune des époux. Cette dernière est applicable à défaut de résidence habituelle commune. Elle l'est également quand
un État, non partie à la Convention, la désigne comme applicable et que les époux, soit
ont la nationalité commune de cet État, soit ont établi leur résidence sur le territoire de
cet État. Enfin, elle est applicable quand un État, en ratifiant la Convention, a déclaré sa
loi interne applicable aux époux ayant tous deux sa nationalité. Dans l'hypothèse où tous
ces critères de rattachement seraient défaillants, quand les époux n'ont ni nationalité
commune, ni résidence habituelle commune, l'article 4 al. 3 désigne comme applicable
la loi interne de l'État avec lequel, compte tenu des circonstances, ils entretiennent les
liens les plus étroits.
Le règlement européen reste fidèle à cette dialectique : les époux peuvent toujours
choisir la loi applicable à leur régime et leur choix demeure encadré. Les termes de l'option qui leur est offerte sont d'ailleurs moins ouverts. En se plaçant au moment de la
conclusion de la convention, ils peuvent opter soit pour la loi de la résidence de chacun
d'eux, soit pour la loi de la nationalité de chacun d'eux. La possibilité de choisir la loi de
leur future résidence disparaît. À défaut de choix de loi, le règlement énonce une règle de
rattachement en trois temps : s'appliquera la loi de la première résidence habituelle commune des époux, à défaut la loi de leur nationalité commune, et à défaut la loi avec
laquelle ils entretiennent les liens les plus étroits13.
Ces solutions traduisent immanquablement, même si elle n'est pas abandonnée, un
certain recul de la loi d'autonomie dans le droit international privé contemporain. Elles
n'éclairent donc pas de manière déterminante la controverse existant quant à la nature du
régime légal.

8. Cass. 1re civ. 12 mai 2010, nº 09-65. 524.
9. Cass. 1re civ., 5 nov. 1996, D. 1998. Som. com. 287, obs. B. Audit.
10. Pour de rares exemples en pratique : Cass. 1re civ., 11 mai 2012, nº 11-20.462, JCP, éd. n. 2012.1352 nº 6
obs. E. Fongaro ; Cass. 1re civ., 24 sept. 2014, nº 13-17.593, RJPF 2014-12/24, p. 30 obs. S. Godechot-Patris ;
Cass. 1re civ., 28 janv. 2015, nº 14-11.273.
11. M. Revillard, « Dix ans d'application de la Convention de La Haye sur la loi applicable aux régimes
matrimoniaux », Defrénois 2002. art. 37573.
12. La loi du 28 oct. 1997, portant adaptation du Code civil français aux stipulations de la Convention
de La Haye, prévoit une publicité afin d'informer les tiers de la loi initialement désignée par les époux
comme applicable à leur régime matrimonial. Les articles 1397-2 et 1397-3 al. 1, leur font obligation de
présenter à l'officier d'état civil un certificat relatif à cette désignation. M. Revillard, « La loi du 28 oct.
1997 modifiant le Code civil pour l'adapter aux stipulations de la Convention de La Haye sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux », Defrénois 1997, art. 36700.
13. S. Godechot-Patris op. cit.

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