Manuels - Droit des régimes matrimoniaux et du PACS - 5e - 235

La gestion de l'actif commun

concubine adultère de ses revenus professionnels21. La protection de la
famille légitime cède un instant devant l'indépendance professionnelle, elle
pourrait néanmoins être restaurée par une éventuelle récompense22. Par ailleurs, la libre disposition des gains professionnels ne l'emporte que tant que
ces revenus n'ont été ni investis ni même seulement économisés23.
Encore faut-il, pour que la cogestion s'impose, que l'acte envisagé soit un
acte de disposition à titre gratuit, entre vifs. La finalité du texte est de protéger
la fortune des époux contre des actes dépourvus de contrepartie, car ces actes
provoquent forcément, par nature, un appauvrissement. Les présents d'usage
exceptés, toutes les donations sont donc concernées.
Reste à savoir si, en raison de leur gratuité, d'autres actes ne devraient pas
aussi être assimilés à des libéralités et soumis à l'article 1422. La finalité du
texte milite parfois en ce sens. C'est ainsi qu'un bail sans stipulation de
loyer s'est vu soumis à cogestion24. Pourtant, le plus souvent, la jurisprudence
cantonne ce mode exceptionnel de gestion aux seuls actes réalisant le transfert de propriété d'un bien commun à titre gratuit. Ainsi, la tentation de soumettre à cogestion certains cautionnements ou encore le changement de
bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie est fréquemment écartée.
Il est tentant de retenir la qualification de cautionnement-libéralité25, lorsque la caution renonce par avance à exercer tout recours26 contre le débiteur garanti auquel elle est
appelée à se substituer. La situation est fréquente dans les rapports familiaux, en particulier lorsqu'un époux décide de cautionner l'un de ses enfants qu'il sait être dépourvu de
revenus. Si cette qualification devait être retenue, il serait alors légitime d'en tirer pour
conséquence l'application de l'article 1422 et d'exiger l'accord des deux époux pour la validité du cautionnement. La jurisprudence s'y est pourtant refusée, au motif que le cautionnement, n'emportant pas appauvrissement immédiat et définitif de la caution, n'est pas
un acte de disposition27. L'éviction de l'article 1422 ne laisse toutefois pas sans protection
la fortune commune ; l'accord des deux conjoints est requis pour que la communauté soit
engagée par un acte de cautionnement en vertu de l'article 1415.
Le contrat d'assurance-vie est aussi fréquemment l'occasion de réaliser une donation
indirecte de biens communs, toutefois l'article 1422 est en principe neutralisé par le mécanisme de la stipulation pour autrui et l'article L. 132-12 du Code des assurances. Après
avoir souscrit, au bénéfice de son épouse, un contrat d'assurance mixte dont les primes
sont financées à l'aide de fonds communs, l'époux peut seul changer le bénéficiaire du
contrat et désigner un tiers. Le droit du tiers bénéficiaire contre la compagnie d'assurance

21. Cass. 1re civ., 29 févr. 1984, Bull. I, no 81 ; GAJ civ. no 84 ; D. 1984. 601, note D. R. Martin ; JCP 1985. II.
20443, note R. Le Guidec. Toulouse, 29 mars 2000, Dr. Famille 2000. no 100, obs. B. Beignier.
22. Art. 1417 al. 2. Infra no 495.
23. Cass. 1re civ., 29 févr. 1984, précité. Voir également pour le don de bons de caisse soumis à l'article 1422 : Cass. 1re civ., 22 oct. 1980, JCP 1982. II. 19757, note R. Le Guidec ; RTD civ. 1982. 132, obs.
R. Nerson et J. Rubellin-Devichi.
24. Cass. 1re civ., 5 juill. 1988, JCP 1989. II. 21337, note Ph. Simler. Si cette décision isolée devait se renouveler, une solution comparable pourrait être retenue pour un commodat. Par essence gratuit, le prêt à
usage a déjà été assimilé à une libéralité rapportable en matière successorale : Cass. 1re civ., 14 janv. 1997,
Bull. I, no 22 ; D. 1997. 607, note Barabé-Bouchard.
25. F. X. Testu, « Le cautionnement-libéralité », JCP 1989. I. 3377.
26. Cass. 1re civ., 12 mai 1982, D. 1983. 320, note J. Mestre. Cass. 1re civ., 17 nov. 1987, Bull. I, no 297.
27. Cass. 1re civ., 27 janv. 1982, Bull. I, no 86 ; D. 1983. IR. 189, obs. M. Vasseur.

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