Manuels - Droit des régimes matrimoniaux et du PACS - 5e - 267

Le passif né durant la communauté

concurrence de ces derniers. Tous les créanciers, du mari comme de son
épouse, sont en concours sur la masse commune, quel que soit leur titre,
professionnel ou non. Les biens communs sont ainsi affectés, sans distinction, au règlement du passif ménager comme professionnel de l'un
comme de l'autre époux. Le principe posé n'est donc pas sans danger
pour les époux.
Quand l'adversité survient sous la forme d'une situation de surendettement ou encore sous celle d'une procédure collective ouverte à l'encontre
de l'un des époux, l'article 1413 précipite, dans la ruine de ce dernier, l'ensemble du patrimoine commun.
Le risque est réel et ne doit pas être méconnu7. Une information est d'ailleurs organisée en ce sens par des textes récents8. L'engagement passif de la
communauté fait du régime légal un régime inadéquat chaque fois que l'un
des époux exerce une profession indépendante, en qualité d'entrepreneur
individuel9. À demeurer soumis au principe d'unité de son patrimoine (article 2285), c'est à la fortune commune tout entière qu'il fera encourir le risque
de son passif professionnel. Plus encore que tout autre, le régime communautaire rend impérieux que l'activité professionnelle des époux s'organise au
sein d'une structure sociétaire adéquate10, ou à minima donne lieu à la constitution d'un patrimoine professionnel (EIRL).
Parce que la communauté de biens entraîne dans la déconfiture, le
conjoint du débiteur négligent ou simplement malchanceux, chaque fois
qu'il est dépourvu de patrimoine propre ; parce que la présomption d'acquêt
ne fait qu'aggraver cette communauté de destin : l'état d'époux mariés communs en biens est assurément inconfortable en cas d'infortune de l'un des
époux.

7. Cass. 1re civ., 22 mai 2012, pourvoi nº 11-17381 : les droits des époux sur les biens communs ne pouvant
être individualisés pendant la communauté, c'est au liquidateur qu'il appartient de répartir le prix de vente
de l'actif commun inclus dans l'actif de la liquidation.
8. Depuis peu, le livret de famille est censé informer les époux que « la communauté est tenue du paiement des
dettes contractées par un époux au cours du mariage » (cf. annexe au décret no 2002-1556 du 23 déc. 2002 portant application de l'article 22 de la loi no 2001-1135 du 3 déc. 2001 et modifiant le décret relatif au livret de
famille). La loi no 2003-721 du 1er août 2003 - pour l'initiative économique - introduit un article L. 526-4 al. 1 du
Code de commerce qui dispose que « lors de sa demande d'immatriculation à un registre de publicité légale à
caractère professionnel, la personne physique mariée sous un régime de communauté légale ou conventionnelle doit
justifier que son conjoint a été informé des conséquences sur les biens communs des dettes contractées dans l'exercice
de sa profession ». M. Dagot, « L'information du conjoint du commerçant », JCP, éd. N 2004. 1165.
9. Cet état de fait explique d'ailleurs que l'on s'interroge sur la pérennité de ce régime légal. Ph. Simler,
« Pour un autre régime matrimonial légal », in Mélanges F. Terré, Dalloz - Puf - Jurisclasseur, 1999, p. 455.
Du même auteur : « Pour une révision du droit des régimes matrimoniaux », Perspective de réforme en droit
de la famille, colloque organisé par le Centre de droit fondamental de Grenoble les 26 et 27 nov. 1999,
Dr. Famille, Hors série, 2000, no 12 bis, p. 30. Contra G. Champenois, « L'article 1413 du Code civil
condamne-t-il le régime légal de communauté ? », in Mélanges A. Ponsard, Litec, 2003, p. 129.
10. C'est en recourant aux techniques sociétaires (SARL, EURL...) qu'un époux commun en biens peut
espérer protéger ses biens personnels et la fortune commune de son passif professionnel. Encore ne doitil pas se méprendre sur l'effectivité de l'écran social et veiller à ce que son conjoint demeure étranger à
toute garantie personnelle des dettes sociales. Également infra no 482.

267

Table des matières de la publication Manuels - Droit des régimes matrimoniaux et du PACS - 5e