Manuels - Droit des régimes matrimoniaux et du PACS - 5e - 369

La séparation de biens

§2. L'incidence perturbatrice des questions
de preuve
638. Idem est non esse et non probari. - Le principe de séparation
tant au plan de l'actif que du passif n'a effectivité qu'autant que la question de la preuve de la propriété des biens est résolue. C'est une chose
d'être propriétaire d'un bien et de prétendre, par exemple, le soustraire
au gage des créanciers de son conjoint ; c'est une tout autre chose de
prouver son droit et par conséquent le bien-fondé de sa prétention. La
preuve de la propriété des biens est cruciale en régime de séparation de
biens. Elle est d'ailleurs d'autant plus délicate que, juridiquement séparés
de biens, les époux partagent néanmoins une communauté de vie provoquant immanquablement une certaine confusion de leurs patrimoines
respectifs. L'enchevêtrement des intérêts pécuniaires est inévitable :
parce qu'il est dans l'ordre des choses, la nature communautaire ou
séparatiste du régime n'y change rien.
Savoir à qui appartiennent les immeubles et même la plupart des meubles
incorporels, tels que le fonds de commerce, est une chose aisée. Il existe le
plus souvent un titre d'acquisition ayant fait l'objet d'éventuelles formalités
de publicité. Pour les autres biens meubles, la preuve de leur origine s'avère
souvent « diabolique ». Malgré son utilité, l'inventaire des meubles, dressé lors
du mariage, ne suffit pas à aplanir toutes les difficultés.
La question de preuve est parfois réglée par des présomptions conventionnelles (B), à défaut elle l'est par la loi (A).

A. Une présomption légale d'indivision
(article 1538 al. 3)
639. Charge et mode de preuve. - Il appartient à l'époux qui se prétend propriétaire d'un bien de prouver sa qualité. Fardeau et risque de la
preuve sont attribués conformément au droit commun. L'erreur serait de
croire cette charge moins lourde au seul motif que l'article 1538 al. 1
témoigne d'une certaine licence au profit des époux séparés de biens. La
liberté des modes de preuve est affirmée contrairement à la solution retenue en régime légal. La propriété d'un bien se prouve par tous moyens ;
cela ne garantit pas forcément qu'elle se prouve facilement.
Quand il existe, le titre d'acquisition est un mode de preuve très sûr, mais
il existe rarement pour les meubles corporels. La possession est le mode de
preuve traditionnel de la propriété mobilière ; son secours est ici illusoire.
Elle est le plus souvent entachée d'équivoque en raison de la communauté
de vie des époux. De plus, la jurisprudence exclut, de manière discutable,
l'application de l'article 2276 entre époux séparés de biens10.
10. Cass. 1re civ., 7 nov. 1995, Bull. I, no 395 ; D. 1996. 541, note S. Piédelièvre ; RTD civ. 1997. 211, obs.
B. Vareille ; idem. 1998. 139, obs. F. Zenati. Cass. 1re civ., 27 nov. 2001, Bull. I, no 297 ; D. 2002. 119, note

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