Hors collection - Lettres de François Gény à Raymond Saleilles - 278

LETTRES DE FRANÇOIS GÉNY À RAYMOND SALEILLES

Si vous saviez comme je vous admire et avec quelle sympathie je suis - ne
pouvant faire mieux, - vos inspirations toujours généreuses et élevées ! Il est
vraiment réconfortant au cœur de se sentir près d'hommes tels que vous. Et ce
n'a pas été, pour moi, le moindre bienfait des quelques jours que je viens de passer
avec vous.
Veuillez bien dire ma gratitude profonde à Madame Saleilles, à qui ma femme
adresse ses remerciements personnels avec son affectueux souvenir. Tous nos
respects également à Monsieur votre père et mes meilleures tendresses à vos
enfants. J'ai trouvé mon monde en bonne santé, mais n'ai pu que peu en jouir
encore, ayant trouvé en arrivant pas mal d'occupations pressantes. À bientôt une
plus longue lettre. Mais je ne voulais pas vous laisser partir pour la Suisse sans un
mot de souvenir. Oubliez maintenant tous vos tracas et reposez-vous bien. Merci
encore, du fond du cœur et toutes mes amitiés.
Fr. Gény

166 [Hôtel Couttet, Chamonix]
Raon-l'Étape (Vosges), 10 août 1900
Mon bien cher ami,
Ce serait donc le monde renversé, si vraiment je devais laisser passer sans protestation les remerciements, très sincères et très cordiaux, je le sens profondément,
que vous m'adressez, pour avoir répondu à votre amical appel de l'autre semaine.
Je ne puis pourtant pas accepter un renversement des rôles qui contredirait toute
vérité et détruirait toute justice. Je ne parle pas seulement de votre si pleine et
si cordiale hospitalité, qui reste bien, par le contact intime où elle m'a mis avec
vous, le souvenir le plus charmant de cette semaine si bien remplie. Mais, pour
n'envisager que ce qui était la raison sérieuse et déterminante de ce petit séjour à
Paris, je ne saurais assez vous dire combien je vous demeure reconnaissant d'avoir
sollicité ma curiosité un peu sceptique et de m'avoir aidé à secouer mon indolence
naturelle, pour prendre part, même d'une façon à peu près passive, à toutes ces
communications d'idées que vous aviez préparées et suggérées. Quel enseignement,
non pas de théories, mais de choses vraiment vivantes et fécondes, nous en devons
tous emporter, j'en avais à peine le soupçon au moment où je suivais ces réunions,
même au sortir de tout ce mouvement de la semaine dernière, quand je vous
griffonnais un mot de souvenir qui pût vous toucher avant le départ de Gigny.
Mais il me semble que je le sens mieux à mesure que se tassent les souvenirs, que
les impressions s'éliminent pour faire place à des directions plus durables, que
le classement s'opère dans les idées et que la méditation calme dissipe certaines
obscurités pour faire surgir les reliefs lumineux. Aussi est-ce avec la curiosité la
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