Hors collection - Recueil de leçons de 24 heures - 148

136

L'ALIMENT

du droit à l'aliment. Cette créance alimentaire est dotée d'un régime juridique
spécifique qui, là encore, est plus favorable que celui des créances ordinaires. On
verra donc, d'abord, la prévalence du droit à l'aliment et, ensuite, la prévalence de
la créance alimentaire.
D'abord, la prévalence du droit à l'aliment.
La prévalence du droit à l'aliment se traduit pour commencer en droit civil.
Un droit de préférence est ainsi octroyé à celui qui fournit, à crédit, l'aliment. La
prévalence se fait ici au détriment des autres créanciers. Plus précisément, celui
qui fournit « les fournitures de subsistances faites au débiteur et à sa famille pendant la dernière année » profite d'un privilège mobilier général. Il est de l'intérêt
de celui qui a besoin d'aliments de pouvoir trouver facilement du crédit auprès de
celui qui peut lui en procurer. Pour les mêmes raisons, celui qui fournit des aliments à crédit profitera, si son débiteur est marié, de la solidarité des dettes ménagères. Et ce, quel que soit le régime matrimonial retenu. Une règle comparable
existe en ce qui concerne les partenaires d'un PACS.
Continuons en droit du travail. Le droit à l'aliment heurte la libre organisation de son entreprise par l'employeur. Il se traduit par la nécessité d'aménager le
lieu des repas et d'organiser le temps du travail. S'agissant du lieu de travail, existe
par principe l'interdiction, pour le salarié sédentaire, de prendre son repas à son
poste de travail. En conséquence, l'employeur doit aménager un véritable local de
restauration, lorsqu'au moins vingt-cinq salariés souhaitent prendre leur repas sur
place. Lorsque le nombre de salariés est moindre, un simple emplacement permettant une restauration dans de bonnes conditions sera suffisant. En cas d'impossibilité matérielle, l'employeur peut se libérer de son obligation par la fourniture de tickets restaurants, selon une circulaire administrative, contrairement à la
position du Conseil d'État. Pour ce qui est des salariés en déplacement, le droit
du travail impose à l'employeur le remboursement des frais de restauration, dans
certaines limites, naturellement. S'agissant de la détermination du temps de restauration, il reste à la discrétion de l'employeur. Toutefois, celui-ci doit prévoir
une pause d'au moins vingt minutes toutes les six heures, voire toutes les quatre
heures trente pour les salariés mineurs.
En droit pénal, le législateur compose, exceptionnellement, avec la défense de
l'intérêt général. Ce peut être le cas lorsqu'est en jeu le droit vital à l'aliment.
L'infraction de vol, concernant un aliment, pourrait notamment être justifiée par
l'état de nécessité. L'affaire du bon juge Magnaud l'a parfaitement illustré, en
1898, s'agissant du vol de pain. L'idée existait déjà chez Saint Thomas : celui qui
s'empare d'un bien pour sauver sa vie se conforme ainsi au droit naturel et divin ;
il ne peut donc, au titre du droit humain, être puni comme un voleur.
Une dernière illustration de la prévalence du droit à l'aliment peut encore être
fournie par le droit fiscal. Le législateur accepte l'idée de rentrées fiscales moindres,
afin d'assurer l'effectivité du droit à l'aliment. On peut notamment citer la déductibilité des pensions alimentaires, du revenu imposable du débiteur d'aliments.
On peut également songer, en matière d'imposition indirecte, aux taux réduits de
TVA sur certains produits alimentaires.

Hors collection - Recueil de leçons de 24 heures

Table des matières de la publication Hors collection - Recueil de leçons de 24 heures