Hors collection - Recueil de leçons de 24 heures - 34

LA RÉCOMPENSE

Mais dans cette quête du bien commun, la récompense n'est-elle pas excessivement instrumentalisée ? Au point même, parfois, d'être dévoyée ? Un exemple
pour s'en convaincre : celui du contribuable qui fait voyager ses avoirs sous des
cieux fiscalement plus cléments. On le sait, s'il régularise spontanément sa situation, il sera récompensé par une diminution de ses pénalités. Mais alors, à bien y
regarder, la récompense ne devient-elle pas une simple technique économique de
rapatriement des fonds ? C'est dire, en tout cas, si la récompense s'éloigne ici de
sa noblesse originelle. Et le constat n'est-il pas encore plus évident lorsque la gratification promise incite à adopter un comportement peu louable ? Les pratiques
anticoncurrentielles en fournissent une illustration : c'est ainsi que la loi NRE
ouvre une procédure de clémence au profit des membres d'un cartel, mais à une
condition la dénonciation de l'infraction et, pire, la délation de ses auteurs !
Pour autant, doit-on en rester à ce sombre constat de pessimisme anthropologique ? Sûrement pas ! Mieux vaut faire fructifier les vertus de la récompense qui
demeure l'un des plus puissants moteurs de l'entreprise humaine. En ce sens,
Confucius a d'ailleurs décrit mieux que quiconque que la réalisation du bien par
les hommes passe par l'appât du gain. Voici ses mots : « Faire le bien sans chercher
de récompense ; fuir le mal sans craindre le châtiment : homme rare sous le ciel ».
En d'autres termes, la récompense est le moyen de faire tourner les défauts de
l'homme au bien commun. Il serait donc dommage de s'en priver.
En définitive, récompenser pour rétribuer, récompenser pour inciter : voilà les
fonctions assignées à la récompense. Aussi, loin de se limiter à un instrument
neutre de compensation patrimoniale, la récompense se révèle être un réel instrument de politique juridique qui justifie que son attribution soit l'objet de toutes
les attentions.

II - L'ATTRIBUTION DE LA RÉCOMPENSE
Attribuer la récompense, c'est décider de son principe. Faut-il, oui ou non,
récompenser ? La réponse ne va pas de soi, et de fait, le droit n'emprunte pas
toujours les mêmes chemins. Il va parfois dans le sens de la récompense. Il ne sait
pas résister à cette invitation au voyage, car il songe à la douceur de la récompense. Mais il arrive aussi que le droit refuse d'aller là-bas, sans doute parce que
tout n'y est pas qu'ordre et beauté. Comme à son habitude, le droit parvient sur
ce point à une réponse nuancée : l'attribution de la récompense est d'une part
favorisée (A) et d'autre part, empêchée (B).

A. La récompense favorisée
Favorisée, l'attribution de la récompense l'est de plusieurs manières. Lorsqu'il
s'agit de penser ex ante la récompense, le droit s'efforce de dégager des techniques
efficaces. Mais une fois que la récompense est octroyée, il tente alors ex post d'en
assurer la protection. Ainsi, la faveur du législateur transparaît-elle dans ce duo
temporel : défi de l'efficacité, d'abord, souci de la protection, ensuite.

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