Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re - 108

Lobbying et stratégies d'influences en France

entreprises particulières8. Ces stratégies d'activation de réseaux
informels furent d'autant plus utilisées que les hommes politiques
avaient davantage besoin d'argent : « les hommes politiques
cherchaient à s'assurer une partie du gâteau du capitalisme, afin de
financer leur parti ou tout simplement de renflouer leur propre
porte-monnaie »9. Outre l'intégration de parlementaires ou de
ministres dans les conseils d'administration de grandes entreprises10,
les actions destinées à influencer la direction du groupement politique
prirent ainsi des formes corruptives, relevant selon le contexte
juridique et socioculturel du moment où elles étaient accomplies, de
la corruption « noire » - actes considérés comme corrompus par
l'opinion publique et les élites -, de la corruption « blanche » - actes
tolérés par une société alors qu'ils sont pénalement sanctionnés - ou
de la corruption « grise » - actes condamnés par l'opinion publique
mais tolérés en partie11. Après le scandale des décorations12, qui avait
montré combien étaient prisés les honneurs, celui de Panama - achat
d'une centaine de députés par la Compagnie créée pour le creusement
d'un canal transocéanique afin d'obtenir l'autorisation d'émettre des
obligations à lots qui fit faillite13 -, a illustré la technique consistant à
acheter des hommes politiques cupides et une presse vénale14. Outre
le fait d'avoir touché de l'argent, dont ils minimisaient les montants, ce
qu'admirent certains parlementaires poursuivis pénalement c'est
d'avoir bénéficié de « prêts gracieux » et de « dîners et de déjeuners
offerts » par un intermédiaire « qui voulait moins corrompre que se
8. J. I. ENGELS, « La modernisation du clientélisme politique dans l'Europe du XIXe et du
e
XX siècle », in F. MONIER, O. DARD, J. I. ENGELS (dir.), Patronage et corruption politiques dans
l'Europe contemporaine. 2. Les coulisses du politique à l'époque contemporaine XIXee
XX siècles, Paris, A. Colin, 2014, p. 37.
9. J. I. ENGELS, art. cit., p. 38.
10. L'inventaire dressé par E. BEAU DE LOMÉNIE est édifiant : La responsabilité des dynasties
bourgeoises. II De Mac-Mahon à Poincaré, Denoël, 1947, p. 401-405.
11. A. J. HEIDENHEIMER, "Perspectives on the Perception of Corruption", in A. J. HEIDENHEIMER et
al., (dir.), Political Corruption. A Handbook, New Brunswick, Transaction Publisher, 1989.
12. Wilson ne fut pas condamné pour trafic d'influence (faute de loi), mais pour escroquerie en
première instance à deux ans de prison. Il fut acquitté en appel car, n'ayant pas le pouvoir
d'accorder des décorations, il n'avait pas pu « faire des promesses fermes » d'attribution ;
F. AUDREN, P. LASCOUMES, « La justice, le gendre et le scandale des décorations : aux origines
du trafic d'influence », in B. DUMONS, G. POLLET (dir.), La fabrique de l'honneur. Les médailles et
les décorations en France, XIXe-XXe siècles, PUR, 2009, pp. 119-142.
13. Il y eut quatre procès quatre procès pour juger les administrateurs de la compagnie, les
parlementaires poursuivis pour corruption et les intermédiaires qui les avaient soudoyés.
Sur les réseaux de socialité à l'œuvre dans cette affaire: J.-Y. MOLLIER, Le scandale de
Panama, Fayard, 1991.
14. D. DE BLIC, « Moraliser l'argent. Ce que Panama a changé dans la société française (18891897) », Politix, nº 71, 2005. Il souligne que comme « les trois principaux agents de la
corruption étaient juifs et d'origine étrangère », les antisémites trouvèrent dans cette affaire
l'occasion d'établir une conjonction entre dénonciation de l'argent et antijudaïsme : p. 73.

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