Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re - 109

Les répertoires d'action du lobbying

rendre sympathique »15. Un « réseau, aux contours vagues, composé à
la fois d'hommes politiques et d'individus liés au monde économique » les
réunissait par une « amitié "politique" ou "d'intérêts" »16 et facilitait la
capture des politiques qui avaient davantage besoin d'argent17. Ce
scandale a ainsi révélé les collusions entre la politique, les affaires
et la presse18 en dévoilant « la multiplicité des liens, jusque-là
cachés, entre les banques, le monde parlementaire et la justice » en
donnant le sentiment « qu'une bonne partie du monde social était
devenue illisible, puisqu'on ne pouvait plus distinguer avec certitude
un parlementaire d'un lobbyiste, un journaliste d'un agent
commercial, un banquier d'un maître chanteur »19. Les scandales
qui se sont succédé au cours de la Troisième République ont
montré la solidité de ces « liens tissés entre la presse, les députés
et les milieux d'affaires » et l'existence de « cette corruption
permanente »20. Au-delà des échanges purement et simplement
corrompus sanctionnés dans l'affaire de Panama, y apparaît aussi
la large gamme des rétributions matérielles et symboliques -
invitations, cadeaux, prêts, voyages, vacances, séminaires, etc. -
relevant des zones grises de la démocratie et que certains lobbyistes
utilisent encore aujourd'hui pour rendre les décideurs malléables.
Dans le prolongement de ces pratiques, c'est l'entourage de l'homme
politique ou du fonctionnaire que les lobbies s'efforcent
d'instrumentaliser par différentes rétributions et avantages :
C. Sirugue note ainsi dans son Rapport sur les lobbies qu'« il arrive que
des collaborateurs parlementaires exercent, à côté de son contrat de

15. Manuscrit de J. Saint Martin, cité in C. PORTALEZ, « Le scandale de Panama vu par un
ancien député du Vaucluse : réseaux, amitiés et corruption sous la Troisième
République », in I. ENGELS et al. (dir.), La politique vue d'en bas : pratiques privées, débats
publics dans l'Europe contemporaine (XIXe-XXe siècles), 1, Paris, A. Colin, 2011, p. 177-178.
16. C. PORTALEZ, art. cit., p. 181.
17. Sur l'insuffisance de l'indemnité parlementaire pouvant les conduire à « faire des
affaires » : P. GUIRAL, G. THUILLIER, La vie quotidienne des députés en France de 1871 à 1914,
Hachette, 1980, p. 80.
18. Sur les sommes reçues par les patrons de presse et les journalistes : C. DELPORTE, Les
journalistes en France 1880-1950. Naissance et construction d'une profession, Seuil, 1999,
p. 145 ; en réaction à ces pratiques, la Charte des devoirs professionnels des
journalistes français (1918) dispose que « le journaliste ne touche pas d'argent dans un
service public, une institution ou une entreprise privée où sa qualité de journaliste, ses
influences, ses relations seraient susceptibles d'être exploitées ». Les chartes suivantes
les mettent en garde sur les stratégies de leurs sources pour les manipuler et les
instrumentaliser par de l'argent, des faveurs et des connivences d'intérêt.
19. D. DE BLIC, art. cit., p. 75.
20. P. GUIRAL, G. THUILLIER, op. cit., p. 184.

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