Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re - 121

Les répertoires d'action du lobbying

politiques publiques77, préparent des changements de paradigmes en
dégageant les faits - policy failures -qui ne cadrent plus avec celui qui
s'imposait jusqu'alors78 et en dégradant son image79 au profit d'un
autre et conçoivent, le cas échéant, des agendas politiques alternatifs
pour de nouvelles politiques. Par leur intermédiaire, les groupes
d'intérêt peuvent espérer peser sur « la structuration du débat
politique »80, sur la préparation des programmes politiques et faire
passer insensiblement leurs intérêts particuliers comme étant des
intérêts généraux en restant en retrait, dissimulé derrière ces
intellectuels collectifs. Si les think tanks français sont beaucoup
« plus faibles que leurs homologues étrangers »81, notamment
américains82, les organisations patronales ont, entre autres groupes,
investi le champ intellectuel en contribuant « à la production directe
ou indirecte d'idéologies et de définitions de ce que devrait être la
bonne société »83. La découverte progressive des capacités techniques
de chaque nouveau média, la prise de contrôle de certains d'entre
eux84, a permis de compléter les moyens pour les lobbyistes
d'atteindre leurs cibles, ce qu'a illustré récemment le développement
du cyber-lobbying85. En recourant aux techniques de communication,
aux connaissances sur les attentes des publics et aux savoirs sur les
façons d'utiliser leurs sensibilités ou de les façonner par les
77. Ce sont des systèmes de représentations réunissant des valeurs fondamentales, des
raisonnements et des diagnostics : B. JOBERT, P. MULLER, L'État en action, PUF, 1987 ;
aussi : Ph. ZITOUN, « Référentiels et énoncés de politiques publiques : les idées en
action », in O. GIRAUD, Ph. WARIN (dir.), Politiques publiques et démocratie, La
Découverte/PACTE, 2008, p. 73 et s.
78. P. HALL, "Policy Paradigms, Social Learning, and the State. The Case of Economic
Policymaking in Britain", Comparative Politics, 1993, 25 (3), p. 275-296.
79. J. TRUE, B. JONES, F. BAUMGARTNER, "Punctuated Equilibrium Theory. Explaining Stabilityand
Changein American Policy Making", in P. SABATIER (dir.), Theories of the Policy Process,
Boudler (Colo.), WestviewPress, 1999, p. 101 ; sur la professionnalisation des sources
des journalistes, le pré-formatage des problèmes et leurs stratégies d'influence par des
campagnes publiques: E. NEVEU, op. cit., p. 163 et s.
80. V. M. OFFERLÉ, Sociologie... op. cit., p. 45.
81. Y. SAINT-GEOURS, Rapport sur les think tanks français, ministère des Affaires étrangères et
du développement international, septembre 2016 ; sur leurs spécificités : L. DESMOULINS,
Th. LAMARCHE, « L'influence ambiguë des think tanks, producteurs de « valeurs
publiques » et de légitimités sur le RSE », in M. RIVAL, F. BOURNOIS, V. CHANUT (dir.),
Intelligence économique et lobbying au crible des valeurs publiques, Éd. ESKA, 2014, p. 235
et s.
82. W. G. DOMHOFF, The Power Elite and the State. How Policy is Made in America, New York,
Aldine de Gruyter, 1990.
83. M. OFFERLÉ, Les patrons..., op. cit., p. 269 ; sur la façon dont les think tanks diffusent leurs
propositions : E. NEVEU, op. cit., p. 56 et s.
84. Sur les liens entre la presse médicale et les entreprises pharmaceutiques : J.-P. MARKUS,
« La liberté de l'information médicale », Legicom, nº 49, 2013.
85. F. DESCHEEMAEKERE, Le cyber Lobbying, Hermès-Lavoisier, 2007 ; sur l'usage d'Internet
comme moyen de mobilisation des ONG : B. VAYSSIÈRE, Groupes de pression en Europe.
Europe des citoyens ou des intérêts ?, Privat, 2002, p. 120-121.

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