Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re - 165

La régulation du lobbying

diffusion d'un nouvel esprit du capitalisme108 d'inspiration néo-libérale109
provoquant d'importantes mutations institutionnelles, d'une économie
de marché influencée par l'État vers une économie libérale de marché110.
Dans ce nouveau cadre qu'ils contribuent à faire advenir, les groupes
d'intérêts économiques exercent des pressions considérables sur les
pouvoirs publics pour obtenir des réglementations qui leur soient
favorables. Alors que la démocratisation de l'État avait permis dans,
une certaine mesure, de rééquilibrer les rapports de force entre groupes
sociaux dominants et dominés en faveur des seconds, ce qui s'était
traduit par la mise en place d'un État providence assorti d'une
régulation néo-corporatiste de ses relations avec la société civile,
cette nouvelle configuration est caractérisée par une concurrence
déséquilibrée entre les groupes d'intérêt111. Elle profite aux plus
puissants d'entre eux qui maîtrisent parfaitement les techniques
du lobbying et disposent des ressources économiques nécessaires
pour en tirer pleinement parti. On conçoit aisément qu'au-delà
de la dénonciation du lobbyisme comme étant « une industrie du
mensonge »112, et de l'exigence qu'il soit moralisé, l'enjeu de sa
régulation ne saurait se limiter à le soumettre à des obligations de
transparence aussi bien conçues soient-elles113. Pour rendre aux
décideurs leur capacité d'arbitrage, il paraît indispensable de
108. L. BOLTANSKI, E. CHIAPELLO, op. cit.
109. Que certains auteurs caractérisent comme une « contre-révolution ultra-libérale »
détricotant l'État providence et relativisant l'ensemble des droits sociaux : A. SUPIOT,
L'esprit de Philadelphie. La justice sociale face au marché total, Seuil, 2010, p. 29 et s.
110. P. HALL, D. SOSKICE, « Les variétés du capitalisme », L'année de la régulation, nº 6, 2002,
p. 47 et s.
111. Seule une forme de délibération hautement compétitive et transparente pourrait éviter
que la participation des groupes d'intérêt aux processus décisionnels comble le déficit
démocratique que leurs interventions déséquilibrées et occultes ne font qu'aggraver en
alimentant la défiance des citoyens à l'égard de ces mécanismes et en accréditant les
théories complotistes. Sur les conditions d'instauration d'une démocratie associative :
E. Grossman, S. Saurugger, « Les groupes d'intérêt au secours de la démocratie ? »,
RFSP, no 2, 2006, p. 109 et s.
112. J. STAUBER, S. RAMPTON, op. cit ; la récente condamnation pour faux témoignage d'un
pneumologue qui avait caché ses liens avec Total dont il avait été pendant vingt ans en
relation salariale, membre de la fondation, devant une commission d'enquête
parlementaire sur la pollution de l'air à six mois de prison avec sursis et 50 000 €
d'amende est le signal d'une moindre tolérance de la justice aux conflits d'intérêts qui
incitera peut-être les intéressés à se montrer plus prudents : S. MANDARD, « Le
pneumologue M. Aubier condamné à six mois avec sursis », Le Monde, 5 juillet 2017.
113. Face au faible nombre d'inscriptions sur le répertoire des représentants d'intérêts qui
avaient en principe jusqu'au 1er septembre 2017 pour s'y inscrire (décret nº 2017-867 du
9 mai 2017 relatif au répertoire numérique des représentants d'intérêts art. 14) -
seuls 179 l'étaient et 516 avaient commencé les démarches d'inscription -, la Haute
Autorité pour la Transparence de la Vie Publique a rappelé dans un communiqué du
30 octobre 2017 que les acteurs socio-économiques exerçant des actions d'influence
sur les pouvoirs publics devaient régulariser leur situation avant le 31 décembre 2017
et que ceux qui n'auront pas accompli les formalités s'exposent à une sanction pénale

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