Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re - 25

Le champ d'émergence économique et institutionnel

décision du gouvernement par conseil19 auxquels le roi, devenu absolu,
tendait cependant à réduire leur accès. La composition du Conseil du
roi, « centre nerveux du gouvernement », est ainsi « le principal enjeu
des combats d'influence et des luttes partisanes », spécialement au
moment des régences et des minorités20. Quant à leurs membres
individuels, ils pouvaient activer leurs réseaux familiaux21, sauf à ce
qu'ils aient été discrédités par leurs activités frondeuses22,
aboutissant dans les instances gouvernementales elles-mêmes -
l'un des plus connu est le lobby Colbert23 - pour faire valoir leurs
intérêts particuliers24. Ils jouaient pour ce faire, auprès des ministres,
du monarque et de leurs entourages25, de la « capacité d'action
politique »26 que leur crédit - c'est-à-dire de leur réputation et la
confiance qu'ils inspiraient - leur conférait. Socialement encastré, ce
crédit immatériel qui résulte de l'inscription dans des lignées
familiales réputées, tient aux rapports de patronage et à l'insertion
dans la « bonne société »27, peut être mis au service des intérêts
matériels de celui qui en jouit. Ce système a été d'autant plus
favorable aux membres des dynasties mandarinales qui n'exerçaient,
sous l'autorité du roi, « le vrai pouvoir »28, qu'à la condition de rester
dans une juste mesure - la disgrâce de Fouquet en marque la limite29,
qu'il était admis, et même recommandé au roi par Richelieu, de
laisser les ministres « faire leurs affaires en faisant celles de

19. A. DUPILET, Th. SARMANT, « Polysynodie et gouvernement par conseil en France et en Europe
du XVIIe au XIXe siècle », Histoire, économie & société, 2007/4, p. 51 et s.
20. J. KRYNEN, « Le Conseil du roi, siège de la prudence royale », in J.-M. EYMERI-DOUZANS et al.
(dir.), Le règne des entourages, Presses de Sciences Po, 2015, p. 113.
21. P. BOURDIEU, « À propos de la famille comme catégorie réalisée », ARSS, nº 100, 1993, p. 33 ;
A. BURGUIÈRE, « L'État monarchique et la famille (XVIe-XVIIIe siècles) », Annales. HSS, 2001/2,
p. 324.
22. Sur les revers de la maison de Bouillon : M. WREDE, E. HOURCADE, L. LATTY, « Autonomie
nobiliaire, mémoire familiale et pouvoir du souverain sous Louis XIV », Revue historique,
nº 667, 2013, p. 575 et s.
23. D. DESSERT, J.-L. JOURNET, « Le lobby Colbert. Un royaume, ou une affaire de famille ? »,
Annales ESC, 30-6, 1975, p. 1303 et s. ; D. DESSERT, Argent, pouvoir et société, Fayard, 1984 ;
S. GUERRE, « Nicolas Desmaretz et la prise de décision au conseil du roi », Revue historique,
nº 659, 2011, p. 589 et s.
24. Sur les stratégies d'influence : C. H. CRAWSTON, Credit, Fashion, Sex: Economies of Regard in
Old Regime France, Durham, Duke University Press, 2013.
25. E. LE ROY LADURIE, Saint-Simon ou le système de la Cour, Fayard, 1997, p. 181 et s.
spécialement le graphique des amitiés, parentèles et clientèles.
26. A. LILTI, « Le pouvoir du crédit au XVIIIe siècle », Annales. HSS, 2015/4, p. 958.
27. Sur la formation de réseaux familiaux : M. NASSIET, Parenté, noblesse et États dynastiques
(XVe-XVIe siècles), Éditions de l'EHESS, 2000 ; Ch. FROSTIN, Les Ponchartrain, ministres de
Louis XIV. Alliances et réseau d'influence sous l'Ancien Régime, PUR, 2006.
28. E. LE ROY LADURIE, op. cit., p. 185.
29. P. MORAND, Fouquet ou le Soleil offusqué, Folio, 1985.

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