Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re - 32

Lobbying et stratégies d'influences en France

créer qu'une solidarité réduite entre leurs membres et ne pas
construire un réseau étendu61. Pendant tout le XIXe siècle, les
associations seront ainsi soumises à un régime très restrictif prévu
par le Code pénal (articles 291 à 294). Comme c'est le nombre
d'associés qui fait leur force62, il est tout d'abord interdit de
constituer des associations de plus de vingt personnes - non
comprises les personnes domiciliées dans la maison où se tiennent
les réunions - sans l'agrément préfectoral63. Ce régime d'autorisation
permettait à l'administration de le refuser discrétionnairement. Elle
pouvait aussi poser des conditions à sa délivrance. Les associations
n'étant pas dotées de personnalité morale, l'autorisation permettait
seulement aux associés de se réunir régulièrement, de collecter de
l'argent et de l'utiliser pour un objet déterminé. Les associations
créées sans autorisation ou ne respectant pas leurs conditions
d'agrément étaient dissoutes et leurs directions passibles d'une
amende. Leurs dirigeants étaient passibles d'une peine d'amende et
une peine de deux ans de prison pour les provocations à des crimes et
délits lors de leurs assemblées. Redoublée par le souci de
sauvegarder l'ordre public, cette culture politique révolutionnaire qui
adopte « une vision systématiquement négative des groupes de
pression entraînant une radicalisation de la séparation entre l'État et
la société civile »64 et retient une conception abstraite de l'intérêt
général a nourri une hostilité durable à l'égard du fait syndical et du
fait associatif qui ont été tardivement reconnus et une réticence
persistance à envisager l'intérêt général comme la résultante d'un
compromis entre intérêts particuliers.
Reste que si la Révolution a entendu de la sorte faire régner
l'égalité et limiter l'emprise des groupements sur les individus, à
commencer par celle de l'Église, elle a surtout promu, derrière
cette façade idéologique, un intérêt qu'avaient en partage les
classes dominantes, bourgeoisie et noblesse65 : la protection du
droit de propriété. Il a ensuite été hautement défendu au nom de
61.
62.
63.
64.

Y. POIRMEUR, D. ROSENBERG, op. cit., p. 42-43.
TOCQUEVILLE, De la démocratie..., II, op. cit., p. 622.
H. BERTHÉLEMY, Traité élémentaire de droit administratif, A. ROUSSEAU, 1908, p. 295.
P. ROSANVALLON, « Fondements et problèmes de l'"illibéralisme" français », in RSMP, nº 1,
2001, p. 25-27.
65. Un premier décret du 30 mars 1792 confisqua les biens des émigrés qui avaient quitté la
France depuis le 1er juillet 1789. Un second du 27 juillet 1792 fixa les modalités de leur
vente. Une loi du 5 décembre 1814 leur restitua leurs biens invendus. Une seconde loi du
27 avril 1825, dite loi du milliard aux émigrés, sans compenser la totalité de leur préjudice
leur accorda une indemnisation. V. A. GAIN, La Restauration et les biens des émigrés, (2 vol.),
Nancy, Société d'impressions typographiques, 1928.

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