Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re - 40

Lobbying et stratégies d'influences en France

députés accordé ainsi aux notables105 garantissait que les intérêts
collectifs des propriétaires seraient bien protégés, et donnaient à
ceux d'entre eux qui étaient élus les moyens d'intervenir directement
auprès de l'administration dans les affaires qui touchaient leurs
intérêts personnels, ceux de leurs proches, de leurs amis et de leurs
clients, en négociant au besoin leur soutien au gouvernement, le droit
de vote réservé aux hommes riches et influents leur procurait un
important moyen de pression sur les candidats pour qu'ils
satisfassent leurs revendications. Les élections devinrent l'occasion
de monter des comités électoraux qui entendait défendre des
intérêts moraux et, de plus en plus souvent, économiques106. En
France comme en Angleterre, où le suffrage censitaire était
également en vigueur, des électeurs se mirent de plus en plus à
échanger leur vote contre la promesse du candidat de leur obtenir
des avantages collectifs - la construction d'un chemin de fer - ou
individuels - un poste, une faveur, une décoration107. Ce courtage
électoral des intérêts en régime censitaire, mêlant clientélisme,
monnayages électoraux et pressions108, qui soulevait des protestations
populaires lorsqu'apparaissait trop clairement qu'il avait rompu
immoralement l'ordre normal des choses109, a sans doute été la forme
primitive du « lobbying électoral »110. Comme les députés étaient
soumis à réélection périodique, leur travail de courtage des intérêts
ne se limitait pas à essayer de tenir leurs promesses de campagne.
Il se prolongeait durant tout leur mandat : il leur fallait répondre aux
105. Pour M. Weber, les notables se définissent par deux critères. Ce sont des personnes qui
d'une part, « de par leur situation économique, sont en mesure, à titre de profession
secondaire, de diriger et d'administrer effectivement de façon continue un groupement
quelconque, sans salaire ou contre un salaire nominal ou honorifique », et d'autre part
« jouissent d'une estime sociale - peu importe sur quoi celle-ci repose - de sorte qu'ils
ont la chance d'occuper des fonctions dans une démocratie directe formelle, en vertu de
la confiance de ses membres, d'abord par acte volontaire, puis à la longue par
tradition ». Ils peuvent ainsi « vivre pour la politique sans devoir vivre d'elle, leur
situation présuppose un degré spécifique de « disponibilité » résultant de leurs affaires
privées », M. WEBER, op. cit., p. 378-380.
106. A.-J. TUDESQ, art. cit., p. 117.
107. Voir les exemples donnés par A.-J. TUDESQ, art. cit., p. 117-118.
108. A. PILENCO explique que pour faire élire les candidats ministériels, les préfets font à
certains électeurs influents des « lettres de recommandation soignées » et « font
expédier avec promptitude l'affaire qui les intéresse » : op. cit., p. 47.
109. Les protestations contre les faveurs officielles, l'obtention de places, de récompenses
publiques arbitrairement attribuées grâce à des échanges plus ou moins corrompus
donnent lieu à des charivaris publics réprobateurs, leurs responsables étant
charivarisés : E. FUREIX, « Le charivari politique : un rite de surveillance civique dans les
années 1830 », in A. BEAUPAIRE-HERNANDEZ, J. GUEDJ (dir.), L'entre-deux électoral, PUR, 2015,
p. 64-65.
110. G. COURTY, J. GERVAIS (dir.), Le lobbying électoral, Presses universitaires du Septentrion,
2016.

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