Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re - 41

Le champ d'émergence économique et institutionnel

sollicitations des électeurs en quête d'avantages et de faveurs
individuelles ou collectives111, qui, voyant en eux des intercesseurs, les
pressaient de défendre leurs intérêts112.

B. L'instauration du suffrage universel et la généralisation
du courtage des intérêts
L'adoption du suffrage universel en 1848 a ouvert à tous les
intérêts la possibilité d'utiliser les élections pour faire avancer leur
cause. Ils peuvent ainsi à l'occasion des campagnes électorales
chercher à influencer le choix des électeurs par des menaces113,
l'achat de voix114, des promesses « plus ou moins mirifiques » et le
« miroitement d'avantages futurs »115, afin qu'ils apportent leurs
suffrages aux candidats qu'ils présentent eux-mêmes ou à ceux qui
se sont engagés à la soutenir. Sans grande surprise, les groupes
dominants sont parvenus à domestiquer le suffrage universel et ont
conservé une représentation parlementaire substantielle116. L'Église
aussi est parvenue à exercer une influence électorale des plus
efficaces en intervenant dans le choix des candidats et en les
faisant recommander par les curés à ses fidèles117. Désormais, les
111. Pour un inventaire de ces promesses de construire une route, un établissement thermal,
un embranchement de chemin de fer : A. PILENCO, op. cit., p. 89-92, 95-97, p. 160 ; sur
l'achat d'élection : p. 253 et s. ; sur l'évergétisme des candidats : A. GARRIGOU, Histoire
sociale du suffrage universel, 1848-2000, Seuil, 2002, p. 129 et s. ; Y. BILLARD, Le métier de
la politique sous la IIIe République, Presses universitaires de Perpignan, 2003, p. 123 et s.
112. Sur cette fonction « envahissante » : J.-C. MASCLET, Le rôle du député et ses attaches
institutionnelles sous la Ve République, LGDJ, 1979, p. 190 et s.
113. Sur les pressions pratiquées par les candidats individuels - industriels, propriétaires
fonciers - et la puissance de l'argent au début de la IIIe République, qui revendiquaient
« ouvertement le droit à la pression économique » sur les fermiers et les ouvriers
(menace de non-renouvellement de baux ruraux, épuration du personnel, menace de
licenciement, suppression de subvention reçue du bureau de bienfaisance, etc.) :
A. PILENCO, Les mœurs du suffrage universel en France (1848-1928), Éditions de la « Revue
Mondiale », 1930, p. 184 et s. ; A. GARRIGOU, op. cit., p. 104 et s.
114. Selon A. Pilenco, ce sont les commerçants et les ouvriers qui sont les plus exposés à ces
sollicitations de candidats opulents et des intérêts qui les soutiennent : Les mœurs du
suffrage..., op. cit., p. 189. Il faut souligner que ces achats de voix directs - corruption
électorale - ou indirects - libéralités accordées aux communes de la circonscription
pour des réalisations (fausse philanthropie) - permettaient à des hommes d'affaires et
à des membres de l'aristocratie d'être élus et donc de défendre leurs intérêts euxmêmes au parlement : voir les exemples donnés par A. PILENCO, p. 204-227.
115. Création de stations thermales, construction d'un port commercial : A. PILENCO, Les
mœurs du suffrage..., op. cit., p. 191-192.
116. Sur l'importance et la diversité des « grands notables » députés : F. GRÈZES-RUEFF, La
culture des députés français (1910-1958), Presses Universitaires du Mirail, 1994, p. 65-80.
117. Sur la propagande ecclésiastique : A. PILENCO, Les mœurs du suffrage..., op. cit.,
p. 193-200 ; sur l'influence du clergé : A. SIEGFRIED, Tableau politique de la France de
l'ouest (1913), Imprimerie Nationale, 1995, p. 473-483 ; Y. DÉLOYE, Les voix de Dieu,
Fayard, 2006 ; J. EL GAMMAL, « Les invalidations à la Chambre des députés : incidents

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