Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re - 44

Lobbying et stratégies d'influences en France

n'avaient pas besoin de s'organiser pour intervenir127 et étaient donc
relativement peu affectés par l'interdiction des coalitions et par les
restrictions apportées au droit d'association, il en allait autrement
pour les classes dominées : malgré « une survivance des notions
corporatives de l'Ancien Régime bien plus importante qu'on aurait
pu le soupçonner généralement »128 et la persistance des gens
exerçant une même profession à vouloir se regrouper, elles en
compliquaient l'objectivation et la défense des intérêts, en les
incitant à rester à l'état de groupes latents. Alors que sont interdites
les coalitions et pour limitées que soient les possibilités de
s'associer, C. Tilly relève cependant qu'à partir des années 1830, les
associations « commencent à jouer un rôle dans l'action collective de
la classe ouvrière ou de la bourgeoisie »129. Si la législation sur les
coalitions et sur les associations a fortement contrarié les efforts
accomplis par des entrepreneurs de représentation pour mobiliser
des groupes latents et supporter le coût de leur organisation, elles
n'ont ni empêché que leur mécontentement alimente la création de
petites sociétés populaires et dégénère en émeutes ou en
mouvements insurrectionnels130, ni que se structurent dans le
monde ouvrier des organisations professionnelles à vocations
diversifiées, que leur répression lorsqu'elles étaient illégales, ne
parvenait pas à éradiquer mais jetait dans la clandestinité131. Outre
des formes de compagnonnage132, se côtoient ainsi des sociétés de
secours mutuels133, des coopératives ou encore des sociétés de
résistance134. En dépit des principes libéraux, certaines professions
sont par ailleurs réglementées « pour satisfaire les exigences de la
police des subsistances » et conduites à reprendre une organisation
qui a « toutes les apparences d'une corporation »135. De puissantes
corporations d'officiers publics à clientèles, que la Révolution avait
abolies - notaires, huissiers, agents de change, etc. - retrouvent
127. Les analyses de M. OLSON conduisent à considérer que les incitations sélectives étaient
donc trop faibles pour qu'ils s'organisent en lobbies : op. cit, p. 161 et s.
128. W. H. SEWELL, op. cit., p. 17-18.
129. Ch. TILLY, op.cit., p. 366.
130. Sur la culture de l'insurrection : P. ROSANVALLON, La démocratie inachevée, op. cit., p. 142.
131. F. SOUBIRAN-PAILLET, L'invention du syndicat (1791-1884), LGDJ, 1999, p. 30 et s.
132. W. H. SEWELL, op. cit., p. 224.
133. Les sociétés de secours mutuels sont, aux termes de la loi du 15-28 juillet 1850, déclarées
d'utilité publique. En contrepartie, leurs activités sont strictement réglementées et elles
sont soumises à l'agrément du gouvernement. Le décret du 25 mars - 2 avril 1852 place
les sociétés « approuvées » sous la surveillance de l'administration et leurs présidents
sont nommés par l'Empereur.
134. Sur cette préhistoire : F. SOUBIRAN-PAILLET, J. SIWEK-POUYDESSEAU, « Les syndicats », in
V. DUCLERT, Ch. PROCHASSON (dir.), op. cit., p. 799.
135. Ph. MINARD, art. cit., p. 93 : cas des boulangers et des bouchers parisiens.

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