Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re - 50

Lobbying et stratégies d'influences en France

régime républicain, de grands patrons sont aussi tentés d'acheter ou
de financer des journaux pour influencer les électeurs et intervenir
dans le débat politique178. Les biographes d'hommes d'affaires et de
riches propriétaires d'entreprises capables de faire « cavaliers
seuls »179 ont reconstitué les ramifications de leurs réseaux relationnels
- liens familiaux par leurs arbres généalogiques, appartenances à des
conseils d'administration de compagnies industrielles et financières180,
à des académies et des clubs, etc. - et ont pour objectif de montrer
comment ils les mettent au service de leurs intérêts et font, grâce à
eux, fructifier leurs affaires. Si c'est le registre sulfureux des
financements politiques occultes, du paiement d'intermédiaires, des
échanges de services aux limites de la corruption qui est mis en
évidence par ces travaux, certains soulignent que ces grands
industriels ont pu aussi être des précurseurs en orchestrant
des opérations de lobbying avant la lettre pour obtenir par des
campagnes d'opinion le changement d'une réglementation nécessaire
au développement de leur entreprise181.
En Grande-Bretagne où la construction des chemins de fer
conduisit les compagnies ferroviaires à initier un intense lobbying,
cette représentation directe des intérêts industriels par des
parlementaires était déjà très significative dans les années 1830 et se
doublait de l'intervention de démarcheurs professionnels : « les contacts
entre les entrepreneurs et les parlementaires, explique J. I. Engels, se
faisaient [...] par l'intermédiaire d'« agents parlementaires » qui
opéraient dans le champ des élus. Ces agents furent les premiers
lobbyistes professionnels. Ils devaient préparer et soumettre les
nombreuses lois privées (privatelaws). Les agents parlementaires

178. J.-N. JEANNENEY, François de Wendel..., op. cit., p. 614 et s.
179. J.-N. JEANNENEY, L'argent caché, Seuil, 1984, p. 27. F. Coty et I. Krueger illustrent selon lui
les dirigeants d'entreprises faisant cavalier seul. S'ils peuvent le faire, c'est parce que le
capital de leur entreprise est entièrement entre leurs mains et qu'ils ont de ce fait une
entière liberté pour définir les objectifs à atteindre, choisir les cibles administratives et
politiques sur lesquelles agir et déterminer les moyens à employer pour les influencer,
ce qui est beaucoup plus complexe lorsque le capital est réparti entre plusieurs
actionnaires qui n'ont pas forcément les mêmes finalités, n'ont pas les mêmes intérêts
et son le cas échéant en concurrence pour le contrôle de l'entreprise.
180. E. BEAU DE LOMÉNIE, op. cit., p. 13-14.
181. Selon M. Clamen, André Michelin aurait été ce lobbyiste avant la lettre en obtenant en
1913, par une campagne d'opinion et une pétition qui avait recueilli plus de 200 000
signatures, de l'administration des Ponts et Chaussées qui s'y refusait qu'elle
numérote les routes, ce qui était indispensable au développement de son activité
cartographique : M. CLAMEN, art. cit., p. 168-169.

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