Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re - 55

Le champ d'émergence économique et institutionnel

doctrinaux faisaient rage sur les carences de la représentation
politique194 et les remèdes pour les combler195 - chambre
professionnelle, syndicalisation de la République, etc. -, les bases
d'une administration consultative196 ont été jetées, dès le début de la
IIIe République, avec la création d'une série de conseils supérieurs de
ministères197 - Conseil supérieur des Beaux-Arts (1875), Conseil
supérieur de l'assistance publique (1886), Conseil supérieur du
travail (1891), etc. Ont ainsi été mises en place, « à l'écart des canaux
politiques habituels, [...] des institutions d'un style tout à fait inédit qui
font pénétrer les voix de la société dans l'univers administratif »198.
Paradoxalement fut créé, selon le mot de J. Meynaud, un « régime
mixte qui continue de se réclamer de l'individu, du citoyen, mais qui
accepte l'action des groupes et va jusqu'à les installer au sein de la
bureaucratie »199 provoquant « l'intégration des pouvoirs de fait au
pouvoir officiel »200. Bien des instances de consultation des parties
intéressées - stakeholders - et de réflexion, plus ou moins durables
- comme le Conseil national économique201 qui a préfiguré l'actuel
Conseil économique, social et environnemental -, ont ensuite été
instituées dont la sédimentation forme un État consultatif202 des plus
consistants. Les groupes d'intérêts représentés dans ces organismes
et sélectionnés pour leur caractère raisonnable et leur représentativité203,
disposent ainsi de tribunes pour faire connaître leurs positions. La
multiplication de ces interfaces leur a fourni des voies d'accès
diversifiées aux décideurs et l'occasion de constituer des réseaux
d'interconnaissances - réseautage. Leurs représentants peuvent y
nouer des relations avec les fonctionnaires et, à travers des échanges
194. A. CHATRIOT, La démocratie sociale à la française, La Découverte, 2002, p. 16.
195. Ce que la représentation partisane ne semble pas en mesure de faire pas faire :
G. COURTY, op. cit., p. 16-17.
196. M. HAURIOU, Précis de droit administratif et de droit public, Larose, 1907.
197. A. CHATRIOT, C. LEMERCIER, « Les corps intermédiaires », in V. DUCLERT, Ch. PROCHASSON (dir.),
op. cit., p. 691.
198. P. ROSANVALLON, Le peuple introuvable, Folio, 2002, p. 333.
199. J. MEYNAUD, Les groupes de pression en France, A. Colin, 1958, p. 315.
200. G. BURDEAU, Traité de science politique, op. cit., p. 225.
201. A. CHATRIOT, La démocratie ..., op. cit.
202. P. ROSANVALLON, Le peuple..., op. cit., p. 333 et s. Comme le note J. Chevallier, les divers
intérêts sociaux ont été explicitement associés aux processus normatifs au niveau
réglementaire par ces aménagements, alors que leur intervention est longtemps
restée « indirecte et officieuse en matière législative », in L'État post-moderne, LGDJ,
2004, p. 119.
203. Sur cette sélection qui écarte « les "groupes de pression" ou "lobbies" non
représentatifs, irresponsables et peu recommandables ou perturbateurs » : J. HAYWARD,
« Groupes d'intérêt, pluralisme et démocratie », Pouvoirs, nº 79, 1996, p. 8 ;
E. N. SULEIMAN, Politics, Power and Bureaucracy in France: the Administrative Elite,
Princeton University Press, 1974.

55
Table des matières de la publication Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re
