Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re - 59

Le champ d'émergence économique et institutionnel

plus en plus orchestrés par les lobbies afin d'infléchir le droit et
d'obtenir des jurisprudences qui leur soient favorables. Ils n'hésitent
pas non plus à engager des procédures bâillons pour museler les
critiques des ONG, les lanceurs d'alertes ou la publication des travaux
scientifiques qui leur déplaisent.
À la faveur de ces évolutions, des réseaux d'influence se sont
constitués dans certains secteurs d'intervention dès la fin du XIXe siècle.
C'est ainsi qu'une nébuleuse réformatrice223 formée d'acteurs de la
société civile et de l'État - hauts fonctionnaires, ingénieurs, patrons,
professeurs, enquêteurs sociaux, syndicalistes, etc. -, a grandement
contribué à la problématisation des grandes réformes sociales des
années 1900224. Ces phénomènes se sont généralisés et touchent de
nombreuses politiques publiques. Dans le sillage des recherches de
R. Dahl225, les travaux sont consacrés au pilotage de ces politiques et
au rôle joué par des acteurs capables qui, dans certains secteurs, sont
capables « de contrôler le chaînage des interactions et d'imposer leurs
représentations des problèmes et des solutions »226, ont tenté de
modéliser les différents types de relations qui s'établissent entre
l'administration et les groupes d'intérêt et de quelle façon ils affectent
les processus décisionnels : de la constitution de « réseaux d'action
publique » plus ou moins stables et lâches227 à la construction de

223. C. TOPALOV (dir.), Laboratoires du nouveau siècle, Éditions de l'EHESS, 1999, p. 357 ;
A. CHATRIOT, « Maxime Leroy : la réforme par le syndicalisme », Mil neuf cent, 24, 2006,
p. 73-94.
224. A. CHATRIOT, O. JOIN-LAMBERT, V. VIET (dir.), Les politiques du travail (1906-2005), PUR, 2006 ;
D. RENARD, « Un train peut en cacher un autre. La création du ministère du Travail et de
la Prévoyance sociale en 1906 », Revue des affaires sociales, avril-juin 2001, p. 81-103.
225. R. DAHL, Qui gouverne ? (1961), A. Colin, 1971.
226. H. BERGERON, Y. SUREL, G. VALLUY, « L'Advocacy Coalition Framework. Une contribution au
renouvellement de l'analyse des études de politiques publiques ? », Politix, nº 41, 1998, p. 196.
227. D. MARSH et R. A. W RHODES, « Les réseaux d'action publique en Grande-Bretagne », in
P. LE GALES, M. THATCHER (dir.), Les réseaux de politique publique, L'Harmattan, 1995. Ils
distinguent cinq types de réseaux allant « des communautés de politique publique
fortement intégrées, aux réseaux thématiques intégrés de façon très lâche » et sont
ensuite « différenciés en fonction de leurs membres et de la distribution des
ressources » entre eux : p. 43-45. Comme l'a bien montré P. Lascoumes en étudiant la
politique de lutte contre la pollution, les instruments d'action publique ont des effets
importants à commencer par celui d'agréger des acteurs hétérogènes qui « acceptent
de travailler en commun », réalisent des « activités de traduction » et forment « un
acteur réseau » : « Les instruments d'action publique, traceurs de changement :
l'exemple des transformations de la politique française de lutte contre la pollution
atmosphérique, 1961-2006 », Politique et société, nº 2-3, 2007, p. 77.

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