Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re - 93

La professionnalisation inaboutie du lobbying

droit pour comprendre et décliner convenablement les enjeux en
termes juridiques92, de l'économie, qui est une dimension essentielle
des revendications des entreprises, des syndicats, des professions et
de nombreux groupes d'intérêts, et « intervient au stade de
l'argumentation »93, de la science politique pour s'orienter
convenablement dans les circuits décisionnels, les procédures
d'intervention, les dispositifs complexes qui équipent l'action
publique94 et analyser le jeu des parties prenantes, et des sciences de
la communication « pour bien faire passer les messages qu'on
souhaite délivrer »95. De ce point de vue, S. Laurens observe que la
connaissance du fonctionnement des administrations, du jeu
institutionnel est « un capital bureaucratique » mobilisable dans
« certaines situations et dans un espace relativement autonome qui
lui confère une forme d'efficience » et que la « maîtrise du jeu des
institutions de l'UE est encouragée et valorisée par les contraintes de
productivité inhérentes au travail dans une fédération patronale »96.
Les modèles élaborés pour étudier les politiques publiques font
partie de l'équipement intellectuel de base du lobbyiste. Il en va ainsi
notamment des méthodes positionnelles97 - identification des
positions de pouvoir et de leurs occupants -, réputationnelle98 et
décisionnelle, qui permettent d'apprécier empiriquement le pouvoir
des différents acteurs impliqués, ou de l'analyse de réseau99 grâce à
laquelle il est possible de cartographier les voies d'accès et de
déterminer les façons de les atteindre.

92. On conçoit aisément que la formation des juristes - notamment les avocats - leur procure
des compétences facilement reconvertibles dans le lobbying : veille juridique, montage de
dossiers, rédactions d'actes et de textes, et naturellement plaider des causes sont leurs
activités ordinaires. Sur ces avantages propices aussi aux métiers politiques : M. DOGAN,
« Les professions propices à la carrière politique. Osmoses, filières et viviers », in
M. OFFERLÉ (dir.), La profession politique XIXe-XXe siècles, Belin, 1999, p. 177-178 ; sur le rôle
des avocats dans la construction des causes dans les années 1820-1840 : L. WILLEMEZ, « La
République des avocats. 1848 : le mythe, le modèle et son endossement », in M. OFFERLÉ
(dir.), La profession..., op. cit., p. 239.
93. G. LAMARQUE, op. cit., p. 9. Il mentionne les constantes argumentatives suivantes : les
retombées micro et macro-économiques, la défense de l'emploi, le respect de la
concurrence, la liberté économique, l'assouplissement des réglementations, les
spécificités du secteur concernées, etc.
94. O. IHL, M. KALUSZYNSKI, G. POLLET (dir.), Les sciences de gouvernement, Economica, 2003.
95. G. LAMARQUE, op. cit., p. 14.
96. S. LAURENS, op. cit., p. 168 et 169.
97. Ch. W. MILLS, L'élite du pouvoir (1956), Maspero, 1969.
98. F. HUNTER, Community Power Structure. A Study of Decision Makers, Chapel Hill, University of
North Carolina Press, 1953.
99. E. O. LAUMANN, D. KNOKE, The Organizational State: A Perspective on the Social Organization of
National Energy and Health Policy Domains, Madison, University of Wisconsin Press, 1987.

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