Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re - 99

La professionnalisation inaboutie du lobbying

économiquement robustes n'hésitent [...] pas à doter les positions de
directeur-secrétaire général ou de conseiller politique senior, de
revenus financiers très attrayants116. Dans un tel contexte, il n'est
pas inhabituel de constater une concurrence entre personnes très
hautement qualifiées chaque fois qu'un nouveau poste s'ouvre,
tandis que le phénomène des anciens employés des institutions
européennes se recyclant dans le lobbying n'est pas rare non
plus »117.
Malgré la géométrie incertaine d'un groupe professionnel à
l'identité floue, dont la légitimité est vivement contestée, les formes
d'activités professionnelles - des réseaux d'influence discrets et des
couloirs feutrés à la fourniture strictement codifiée d'informations et
d'expertises controversées - et le champ d'intervention loin d'être
parfaitement circonscrits, les lobbyistes sont parvenus à faire
partager aux groupes d'intérêts la croyance en la validité des
services qu'ils procurent - consubstantielle de la construction d'un
marché de postes au sein des groupes d'intérêt et d'un marché de
service sur lequel opèrent consultants et cabinets de lobbying - et à
se faire accepter comme utiles par les cibles qu'ils cherchent à
influencer. Investissant dans la technicité, ils mettent en forme et
utilisent un ensemble de savoirs experts, dont ils revendiquent
l'exclusivité de la maîtrise et qui sont au centre des stratégies
d'influence qu'ils élaborent. Cette professionnalisation du lobbying
n'empêche nullement le maintien de formes plus traditionnelles du
travail d'influence auxquelles des groupes d'intérêt restent attachés
soit par leur culture organisationnelle et les types d'investissement -
militants - de leurs membres qu'ils privilégient, soit par la division
du travail de lobbying réparti entre les élus qui dirigent l'organisation
et le pratiquent en amateurs plus ou moins éclairés et les lobbyistes
salariés qu'elle emploie, soit par l'insuffisance de leurs ressources
qui leur interdit de rémunérer des lobbyistes capables de leur offrir
116. L'enquête conduite par S. Laurens montre que les salaires dans les fédérations
européennes sont pour les chargés d'études sont, sur 14 mois et en net, de 1 500 à
2000 euros, pour les junior de 2 000 à 2 300 euros, pour les senior policy officer de 2 300
à 3 200 euros, pour un secrétaire général de fédération de 3 300 à 6 500 euros et pour un
directeur de fédération de 3 300 à 8 000 euros. Dans les cabinets de consulting, les
chargés d'étude sont rémunérés sur 14 mois, entre 1 200 et 1 800 euros, les junior, de
1 800 à 2 300 euros, les consultants senior de 2 300 à 6 000 euros et les partner plus de
6 000 ; dans les grands groupes un correspondant ou salarié dans le bureau bruxellois
de 3 000 à 6 000 euros et un directeur « EU affairs », en moyenne 21 550 euros hors
prime, op. cit., p. 186.
117. T. KOUTROUBAS et M. LITS, Communication politique et lobbying, Bruxelles, De Boeck, 2011,
p. 196.

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