Cours - Droit commercial - 3e - 298

DROIT COMMERCIAL

rapprochant du gage du stock du gage de droit commun, et en permettant qu'il soit
constitué avec ou sans dépossession142.
Il est constitué par acte sous seing privé lequel, à peine de nullité, doit comprendre
certaines mentions143. La question de l'opposabilité du gage aux tiers dépend de sa
nature. Si le gage est constitué sans dépossession, il doit faire l'objet d'une inscription
auprès du greffier du tribunal de commerce ; s'il est avec dépossession, il est opposable
à compter de cette dépossession. Le gage porte donc sur le stock entendu dans un sens
assez général, comportant les matières premières et approvisionnements, les produits
intermédiaires, les produits résiduels et finis ainsi que les marchandises appartenant au
débiteur, à une double condition : qu'ils aient été estimés en nature et en valeur à la date
du dernier inventaire, et qu'ils ne fassent pas l'objet d'une clause de réserve de propriété.
Comme ces stocks, notamment de marchandises, ont vocation à être vendus à la clientèle, le Code a prévu une heureuse subrogation réelle les concernant, à l'article L. 527-5,
alinéa second : « les biens acquis en remplacement des biens gagés et aliénés sont de plein
droit compris dans l'assiette du gage ».
Durant la période de gage, le débiteur est tenu de diverses obligations qui toutes gravitent
autour de l'idée de ne pas altérer la garantie du créancier. Ainsi, il demeure responsable
de la conservation des stocks en quantité et en qualité144 et il s'engage à ne pas diminuer,
de son fait, leur valeur. À l'inverse, le créancier peut, à tout moment, faire constater l'état
de ces stocks. Enfin, si le débiteur ne paie pas, le créancier gagiste peut alors faire vendre
le stock afin d'être payé par préférence, dans les conditions prévues par le Code civil. En
particulier, aux termes de l'article 2347, le créancier peut demander en justice à ce que le
bien gagé lui soit attribué, en paiement. En revanche, les textes du Code de commerce
interdisaient ici l'utilisation du pacte commissoire, c'est-à-dire la possibilité, dès la
convention de se voir attribuer le bien en cas de défaillance, alors même que cette possibilité était reconnue par le droit civil pour le gage de droit commun. Il s'ensuivit donc des
débats tourmentés sur la question de savoir si les parties pouvaient, dans une hypothèse
relevant normalement du gage de stocks, préférer opter pour un gage de droit commun.
Dans un premier temps, la Cour de cassation vint préciser, au visa des articles 2333 du
Code civil (droit commun du gage) et L. 527-1 du Code de commerce (gage spécial sur
les stocks) que « s'agissant d'un gage portant sur des éléments visés à l'article L. 527-1 du
Code de commerce, les parties, dont l'une est un établissement de crédit, ne peuvent
soumettre leur contrat au droit commun du gage de meubles sans dépossession »145. Le
débat n'était cependant pas clos, certaines juridictions du fond n'étant pas convaincues
par ce raisonnement, à l'image de la Cour d'appel de Paris, cour de renvoi, qui a pu
décider qu'en cas de doute sur les intentions du législateur, il convenait d'appliquer
142. X. DELPECH, « Une ordonnance de clarification pour le gage des stocks », AJ Contrats 2016.60 ; Y. PACLOT et G. GAÈDE, « Ordonnance nº 2016-56 du 29 janvier 2016 relative au gage des stocks : aggiornamento salutaire ou "loi inutile" ? », JCP E 2016, act.
177 ; B. DONDERO, « Gage des stocks : nouvel arrivage », JCP E 2016, 154 ; C. JUILLET, « Commentaire de l'ordonnance nº 2016-56
du 29 janvier 2016 relative au gage de stocks », D. 2016.561.
143. C. com., art. L. 527-2.
144. L'article L. 527-6 fait ici une référence expresse à l'article 1197 du Code civil : autrement dit, le débiteur doit apporter à la
chose - ici le stock - tous les soins de la personne raisonnable.
145. Cass. com., 19 févr. 2013, nº 11-21763 : JCP E 2013, 1173, note D. LEGEAIS ; RTD com. 2013.574, note D. LEGEAIS. Certaines décisions antérieures étaient en sens contraire (ainsi, CA Paris, 3 mai 2011 : RTD civ. 2011, 785, obs. P. CROCQ), suivant en cela la
majorité de la doctrine qui interprétait les textes dans le sens d'une liberté de choix entre le gage des stocks et celui de droit
commun. V., également, dans un registre voisin - celui du gage commercial - mais posant des difficultés d'articulation analogues, Cass. com., 17 févr. 2015, nº 13-27080 : JCP E 2015, act. 180 ; D. 2015.787, note N. BORGA.

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