Grands Colloques - Le régime représentatif à l'épreuve de la justice constitutionnelle - 135

PASQUALE PASQUINO

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Ceci implique donc la subordination, du point de vue de l'ordre juridique,
des états membres de l'Union au gouvernement national. Et, en outre,
l'existence d'une cour de justice ayant la compétence de régler les conflits
entre eux : la compétence originaire de la Cour suprême des États-Unis13.
Or, voilà ce qui nous importe ici : la supériorité dont il est question
dans la métaphore kelsénienne est, ou en tout cas peut être, indépendante
de l'existence d'un régime fédéral. Elle concerne la relation entre normes
constitutionnelles et normes ordinaires, ces dernières étant celles édictées
par la majorité des représentants élus. Cela dit, je reviens à mon argument,
pour observer que le contrôle de constitutionnalité, hors de la métaphore
spatiale de la pyramide des normes, renvoie à un autre principe, celui énoncé
par l'article 5 de la Constitution américaine14, le principe que James Bryce
qualifie de rigidité de la constitution dans un texte fondamental qui introduisit la distinction entre constitutions rigides et constitutions flexibles15
(ce même concept de rigidité constitutionnelle est d'ailleurs repris, je pense
indépendamment, par Kelsen qui parle, lui, de Starrheit der Verfassung).
La France, indépendamment de l'absence d'une tradition fédéraliste,
a un problème supplémentaire par rapport aux États-Unis. Elle ne sait
toujours pas exactement identifier ses pères fondateurs16. Sieyes, Thouret
ou Robespierre, pour ne citer que trois noms, mais on devrait y ajouter
celui de Condorcet, n'avaient pas les mêmes idées quant à la nature de
l'ordre constitutionnel. Pour les deux premiers en tout cas - et je rappelle
que Guillaume Thouret, avocat à Rouen, a été l'auteur en grande partie et
tout au moins le rédacteur de la Constitution de 1791 -, donc pour Sieyes
ils s'imposeront aux juges de chaque État, en dépit de toute disposition contraire dans la
Constitution ou les lois de l'État » (c'est moi qui souligne).
13. J. Madison, Federalist n° 39 : « It is true that in controversies relating to the boundary
between the two jurisdictions [nationale et des états membres], the tribunal which is ultimately to decide [la Cour Suprême], is to be established under the general government ».
Remarquons qu'un l'absence d'un tribunal de ce type, le système basculerait de la forme
fédérale à la forme unitaire, dans laquelle le conflit n'est même pas imaginable.
14. « Le Congrès, à la majorité des deux tiers des membres de chaque Chambre, pourra,
s'il le juge nécessaire, proposer des amendements à cette Constitution ou, à la demande des
législatures des deux tiers des États, convoquer une Convention chargée de proposer des
amendements ; dans toutes ces hypothèses, lesdits amendements deviendront, à toutes fins
utiles, partie intégrante de cette Constitution, lorsqu'ils auront été ratifiés par les législatures
ou par des conventions dans trois quarts des États, le Congrès étant libre de proposer l'une
ou l'autre de ces modalités de ratification. Cependant, aucun amendement adopté avant
l'année mil huit cent huit ne pourra modifier les premier et quatrième paragraphes de la
Section neuf de l'Article premier ; aucun État ne pourra, sans son accord, être privé de
l'égalité de représentation au Sénat. »
15. Flexible and Rigid Constitutions, in Studies in History and Jurisprudence, New York :
Oxford University Press, 1901. 2 vols., p. 124-213, http://oll.libertyfund.org/titles/2003.
16. Je dois cette remarque à Gérard Grunberg.

http://oll.libertyfund.org/titles/2003

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