Grands Colloques - Le régime représentatif à l'épreuve de la justice constitutionnelle - 158

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EXISTE-T-IL DEUX GARDIENS DE LA CONSTITUTION ?

depuis). L'invocation de sa compétence d'attribution revêt en 1962 un
enjeu crucial : elle est sans aucun doute alors la condition de sa survie en
lui évitant de s'opposer frontalement au chef de l'État, d'autant que pour
beaucoup des membres de l'institution d'alors, si le Conseil constitutionnel
participe au respect de la Constitution, il n'est pas le seul organe à pouvoir
en sanctionner la violation, il n'est donc pas indispensable de le mêler à
des conflits qui pourraient être réglés autrement, par la mise en cause du
chef de l'État devant la Haute Cour de justice ou par le mécanisme de la
motion de censure23.
Cette conception du rôle du Conseil constitutionnel n'a finalement
jamais été remise en cause, ni par le constituant, ni par le Conseil lui-même.
La décision de 1971, qui le convertit en garant des droits et libertés constitutionnels, la révision de 1974 qui l'érige en rempart de la toute-puissance
majoritaire, même celle de 2008 qui en fait le recours du justiciable ont
transformé ensemble son rôle de gardien de la conformité des lois à la
Constitution, mais l'arbitre juridictionnel habituel du jeu politique qu'il
est devenu n'entrave pas davantage l'action du président de la République,
lequel garde toute latitude d'interpréter la Constitution et, au nom de sa
fonction de gardien de la Constitution, de déterminer l'étendue de ses
propres compétences.
Qu'on se rappelle toutes les controverses constitutionnelles qui ont
jalonné l'histoire de la Ve République sur les pouvoirs du chef de l'État
- le refus du général de Gaulle, en 1960, de convoquer le Parlement en
session extraordinaire, son recours aux pleins pouvoirs de l'article 16 ou
au référendum de l'article 11, le refus du président François Mitterrand en
1986, se fondant sur l'article 13 de la Constitution, de signer deux ordonnances du gouvernement de Jacques Chirac, le refus opposé à son tour par
ce dernier, en 2001, invoquant l'article 9 de la Constitution, d'inscrire un
projet de loi du gouvernement de Lionel Jospin à l'ordre du jour du Conseil
des ministres - ou que, au-delà de l'interprétation controversée de telle ou
telle disposition constitutionnelle, on insiste sur la lecture présidentialiste
globale des institutions que tous les présidents ont fait prévaloir depuis
1958, « chacun, selon son tempérament et au gré des circonstances, écrit
Philippe Ardant, a affecté de trouver dans l'article 5 le fondement d'une
liberté d'action qu'il avait justement pour vocation de lui refuser »24. Le
23. Voir, en ce sens, le débat hors délibéré du 7 avril 1960 sur la demande de Vincent
Auriol de soumettre une proposition de révision de l'article 61 de la Constitution. Les
grandes délibérations du Conseil constitutionnel 1958-1986, op. cit., p. 60 et s.
24. Philippe Ardant, « L'article 5 et la fonction présidentielle », art. cit., p. 38-39.
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