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Droit gouvernemental

du Premier ministre. Politiquement, il est vrai, les choses sont plus subtiles : à supposer par exemple qu'un ministre rencontre des ennuis judiciaires et que le chef du Gouvernement souhaite le maintenir au sein du Gouvernement, le président aurait beau jeu de prendre l'opinion publique à
partie pour obtenir du Premier ministre la démission la plus rapide possible
du ministre incriminé.

4. Les moyens pour les membres du Gouvernement de résister
à la précellence présidentielle
265. La thèse du président qui décide tout et du ministre qui exécute,
mérite d'être discutée22. Bien entendu, tout ministre s'opposant publiquement au chef de l'État risque d'être remercié pour lèse-majesté. Toutefois,
rien n'empêche un ministre d'utiliser certains moyens juridiques pour créer
un rapport de force discret avec l'Élysée afin d'imposer ses vues. Trois
moyens principaux existent : la grève du contreseing ; la temporisation
administrative et la menace de la démission. Car, si le chef de l'État peut
politiquement tout, il ne peut juridiquement rien sans ses ministres.
La grève du contreseing peut être un instrument de poids. Qu'on en juge
avec l'exemple suivant. Jacques Chirac voulut imposer en 2003 son propre
candidat comme directeur de la comptabilité publique mais Alain Lambert,
alors ministre du Budget, lui opposa un refus. Voici le discours qu'aurait
tenu M. Lambert au chef de l'État : « Monsieur le président, ce n'est pas
possible. Je ne signerai pas. Et vous avez besoin de ma signature pour ce
genre de nomination ». Réponse de Jacques Chirac : « Mais c'est du chantage ! Tu sais que je peux te virer ». Réplique d'Alain Lambert : « Eh bien,
virez-moi ! C'est ma responsabilité, je ne signe pas ». Chirac finit alors par
céder23.
Mieux : sans la volonté d'un ministre de faire agir son cabinet et ses
hauts fonctionnaires, les directives présidentielles peuvent se perdre
« dans les sables de l'administration » (Dominique de Villepin). Cette difficulté est structurelle et c'est parfois l'administration gouvernementale
elle-même qui peut court-circuiter le chef de l'État. Michel Rocard expliqua,
à propos de François Mitterrand : « Il n'avait jamais commandé personne. Il
ne savait ce que c'était les grandes boutiques administratives. Au fond, il
s'en foutait. Il considérait que la politique, ça consiste à prendre les décisions majeures et que c'est les grands chefs qui les prennent. Les services,
ça doit suivre et ça n'existe pas. Cette indifférence à l'appareil, cet oubli de
ce que l'administration peut aussi si elle n'est pas d'accord, saboter, freiner,
même infléchir, étaient déjà graves »24. Dominique de Villepin a pareillement
relevé cette difficulté : « lorsque j'étais secrétaire général de l'Élysée, j'avais
22. Pour reprendre la célèbre formule employée par le président Chirac à l'encontre de son
ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy : « Je décide, il exécute ».
23. Cité in B. BONTE, Dans le secret du Conseil des ministres, p. 24.
24. Entretien de Michel Rocard avec Lucie Sponchiado in La compétence de nomination du président de la République, Dalloz, 2017.

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