Systèmes - La globalisation, le droit et l'État - 3e - 118

La globalisation, le droit et l'État

situations, mécanismes, entités transnationaux se développent, et tendent à
échapper de plus en plus à leur contrôle2.
Bien sûr, cette régression est plus ou moins marquée selon les États, et
en outre, la globalisation n'est que l'un de ses facteurs. Par exemple,
contrairement à ce que l'on affirme parfois, ce n'est pas à la globalisation,
pour l'essentiel, que l'on doit les politiques de privatisation, ou néolibérales,
qui ont été conduites ici et là, notamment dans le monde industrialisé, et qui
y ont réduit de façon importante la surface de l'intervention économique des
États. La globalisation les a simplement accompagnées et diffusées : par
exemple, dans les financements assurés par la Banque mondiale, qui est
très favorable aux partenariats public-privé, une part croissante est consacrée dans la période contemporaine à des projets associant aux gouvernements des partenaires privés.
Le phénomène n'en existe pas moins, à un niveau significatif.
2º. Dans les domaines les plus affectés par elle, la globalisation s'accompagne aussi - en partie corrélativement, en partie par mouvement propre - d'une régression de la puissance juridique de l'État. Cette régression,
dont nous avons déjà croisé de nombreux témoignages, peut être caractérisée par deux éléments, susceptibles d'être rattachés à l'idée commune
d'une perte de centralité juridique de l'État3.
a) Il y a tout d'abord, dans ce phénomène, un aspect de dessaisissement
juridique, qui a des manifestations variées.
Les plus extrêmes concernent des hypothèses dans lesquelles les États
ont consenti de véritables abandons de souveraineté à des entités internationales. Situations dont l'exemple le plus avancé est celui de l'Union européenne, dans laquelle la souveraineté est réellement partagée entre l'Union
et les États membres4.
Il faut tenir compte ensuite du fait que, dans la globalisation, l'État est
concurrencé par d'autres producteurs de normes, privés ou publics d'ailleurs. Les appareils judiciaires des États se trouvent éludés dans toute la
mesure du développement de l'arbitrage5.
À cela s'ajoute le fait que, dans l'univers de la globalisation juridique, les
États acceptent de plus en plus fréquemment de laisser se créer des gisements de normes qui sont théoriquement sous leur dépendance, mais qui
en réalité fonctionnent vis-à-vis d'eux d'une manière très largement
2. Pauline TÜRK, « La souveraineté des États à l'épreuve d'Internet », RDP, 2013, nº 6, p. 1488 -
Fabrizio Cafaggi, Regolazioni transnazionali e trasformazioni dello Stato, Il Mulino, 2017.
3. Neil WALKER (ed.), Sovereignty in Transition, Hart Publishing, 2002.
4. Jean-Paul JACQUÉ, Droit institutionnel de l'Union européenne, Dalloz, 9e éd., 2018, p. 128 et s.
5. « Le butoir qu'ils conservent avec la possibilité de faire prévaloir leurs lois de police lorsqu'on a recours à leurs juges pour assurer l'exécution des sentences est, semble-t-il,
affaibli : on constate une dilution de l'impérativité des règles nationales de police, en raison de l'admission de clauses de choix de for dans des domaines assujettis à des réglementations de police », indique Horatia MUIR WATT (« Globalisation des marches et économie politique du droit international privé », Archives de Philosophie du Droit, 2003, p. 243).

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