Systèmes - La globalisation, le droit et l'État - 3e - 123

Le point de vue des acteurs et de la gouvernance

sphère communautaire, les États restent dépositaires quasi exclusifs de la
fonction qu'en anglais on appellera d'« enforcement »23.
On pourrait ajouter d'autres considérations. Brigitte Stern24 fait remarquer également que les États demeurent les principaux arbitres entre le
marché et la société, les principaux gardiens des valeurs non marchandes,
les principaux pourvoyeurs de solidarité, et d'identité.
Continuant à assurer ces fonctions essentielles, les États apparaissent
en vérité comme des piliers de la globalisation, comme des artisans de la
globalisation : ils lui permettent de fonctionner25.

C. Vers une redéfinition de la souveraineté ?26
56. Du tableau qui vient d'être sommairement dressé, on peut difficilement ne pas déduire que la notion même de souveraineté doit être réexaminée. On est en effet dans une situation de plein contraste, dans laquelle la
théorie juridique conserve en général27 l'idée selon laquelle l'État demeure
l'alpha et l'omega de l'organisation juridique, alors qu'existent des symptômes significatifs de régression de sa puissance juridique réelle.
Assurément, si l'on se contente d'avoir une vision formelle de cette idée,
on peut considérer que rien n'est vraiment changé. Comme le disait Lord
Bridge dans l'un des arrêts rendus par la Chambre des Lords à propos de
l'affaire Factortame, « toutes les limitations de sa souveraineté que le Parlement a acceptées quand il a adopté la loi de 1972 sur les Communautés
Européennes l'ont été tout à fait volontairement »28. Dans la même
23. Jeanne Scott, "Member States and Regions in Community Law: Convergence and Divergence", in Paul BEAUMONT, Carole LYONS and Neil WALKER (ed.), Convergence and Divergence
in European Public Law, Hart Publishing, 2000, p. 19 - Jan JANS, Roel DE LANGE, Sacha PRECHAL et Rob WIDERSHOVEN (eds.), Europeanisation of Public Law, Europa Law Publishing, 2007.
24. "How to Regulate Globalization?", in Michael BYERS (ed.), The Role of Law in International
Politics. Essays in International Relations and International Law, Oxford University Press,
2000, p. 249.
25. Saskia SASSEN, La globalisation. Une sociologie, Gallimard, 2009, p. 51 s. - Juan-Cruz ALLI
Aranguren, Derecho administrativo y globalizacion, Garrigues Catedra et Thomson, 2004,
p. 305 s.
26. Edward GUNTRIP, "Self-Determination and Foreign Direct Investmenty: Reimagining Sovereignty in International Investment Law", International and Comparative Law Quarterly,
vol. 65, oct. 2016, p. 829-857 - Richard JOYCE, Competing Sovereignties, Routledge, 2013 -
Carmen PAVEL, Divided Sovereignty. International institutions and the limits of State authority,
Oxford University Press, 2014 - Jiri PRIBAN, Sovereignty in Post-Sovereign Society. A Systems
Theory of European Constitutionalism, Ashgate, 2015 - Richard RAWLINGS, Peter LEYLAND and
Alison YOUNG (dir.), Sovereignty and the Law. Domestic, European and International Perspectives, Oxford University Press, 2013 - Joana MENDES and Ingo VENZKE (dir.), Allocating Authority. Who Should Do What in European and International Law, Hart Publishing, 2018 - Wenhua SHAN, Penelope SIMMONS and Dlvinder SING (dir.), Redefining Sovereignty in International
Economic Law, Hart Publishing, 2008 - Trudy JACOBSEN, Charles SAMPFORD and Ramesh THAKUR, Re-envisioning Sovereignty, Ashgate, 2008.
27. Les grands opposants à la théorie de la souveraineté - Georges Scelle, Kelsen - ne sont
guère suivis, du moins sur cette question.
28. "Whatever limitation of its sovereignty Parliament accepted when it enacted the European
Communities Act 1972 was entirely voluntary" : v. Paul CRAIG, "The Impact of Community

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