Systèmes - La globalisation, le droit et l'État - 3e - 13

Introduction
1. Le droit notre ici, le droit leur là, le droit des uns d'un côté, le droit des
autres d'un autre, le droit international et le droit interne superposés et
séparés, le droit anglais et le droit français juxtaposés et strictement
séparés... Notre vision habituelle de l'univers juridique est une vision de
géométrie plane.
Cette vision, la globalisation nous contraint progressivement à l'abandonner.
Comme on aura l'occasion de le préciser amplement, la globalisation
économique, culturelle, technique, devant laquelle nous nous trouvons,
s'est emparée et s'empare du droit, provoque en lui des phénomènes nouveaux de brassage, d'interconnexion, de transversalité... qui transforment sa
morphologie. Ces phénomènes l'attirent progressivement vers une géométrie dans l'espace, et que l'on dira volontiers de moins en moins euclidienne.
C'est de la dimension juridique de la globalisation que cet ouvrage voudrait parler. Il va de soi que le phénomène a d'autres aspects, et qu'il est
passible d'autres approches. Décanter ses aspects juridiques est d'ailleurs
un exercice particulièrement difficile, tant la globalisation donne l'impression d'être mue par des forces économiques, des impératifs techniques,
voire des intentions politiques, plutôt que par des projets de droit. Le fait
qu'en outre, elle soit constituée de mécanismes hétérogènes, situés dans
des champs assez différents, le fait aussi qu'elle ne constitue encore
qu'une réalité incomplètement construite, tout cela complique également
la tâche. Cet ouvrage n'a pas la prétention d'être autre chose qu'un essai,
animé de l'espoir d'éclairer, peut-être, quelques-uns des aspects du problème.
Un mot sur la méthode, que l'on s'aventurera à dire de « positivisme
critique »1. Il nous semble que le sujet « globalisation du droit » ne peut
être abordé qu'avec un positivisme relatif, ou critique. On ne peut contribuer
à la compréhension juridique des phénomènes juridiques qui sont à l'œuvre
en l'espèce qu'avec la déontologie positiviste habituelle, celle qui tout simplement impose de n'émettre aucune proposition qui ne puisse s'appuyer
sur la référence à un texte, une décision de justice, une règle coutumière,
une pratique contractuelle..., bref une confirmation dans le droit positif. On
ne doit pas, en sens inverse, oublier que le droit ne nous dit pas tout de la
réalité sociale, dont il n'est qu'un niveau, ni que la réalité sociale parfois
fonctionne à l'inverse de ce que dit formellement le droit. La prudence critique qu'impose la conscience de ces faits doit tout spécialement être pratiquée lorsque l'on analyse un phénomène en évolution, dont les équilibres
1. V. Luc WINTGENS, Droit, principes et théories. Pour un positivisme critique, Bruylant, 2000.

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